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La Guinée nouvelle

Pourquoi les Français sont devenus une cible en Afrique

 Trois marins français ont été enlevés au large du Nigeria, le 22 septembre. Mais selon le quotidien burkinabé Le Pays, l'événement était prévisible. A trop dépouiller les économies africaines, le gouvernement et les multinationales françaises ont fait le lit des organisations terroristes.

Les Français constituent une cible de choix pour les preneurs d'otages qui semblent vouloir en découdre avec Nicolas Sarkozy. Le chef de l'Etat français, qui veut se succéder à lui-même en 2012, a des soucis à se faire. Il lui faut remonter la pente dans les sondages alors que ces prises d'otages semblent quelque part tributaires d'une politique chaque jour décriée. Les enlèvements sont fréquents en pleine mer au sud du Nigeria. [Cette fois-ci] des citoyens français sont pris dans la nasse. Cela défraie la chronique, d'autant qu'on ignore tout de la véritable identité des preneurs d'otages. Les rebelles du delta du MEND [Mouvement de libération du delta du Niger] ou des alliés à eux ? On sait que le groupe de rebelles nigérians est divisé : sous feu le président Yar'Adua [décédé le 5 mai 2010], une partie avait déposé les armes suite aux négociations ; l'autre attend d'avoir pleine satisfaction. La récente prise d'otages ne constitue pas une bonne publicité pour le président Jonathan Goodluck, en pleine campagne électorale [avant la présidentielle, prévue pour janvier 2011]. En revanche, pour les rebelles du MEND, l'occasion est fort belle : en offrant leur médiation, ils s'invitent à la campagne présidentielle. Sans doute chercheront-ils du même coup à bien monnayer leurs talents de négociateurs, les otages étant précieux.

Après AQMI [Al-Qaida au Maghreb islamique] dont l'audace a sidéré plus d'un, suite au kidnapping intervenu en plein fief français au Sahel [cinq Français, un Malgache et un Togolais, employés d'Areva, ont été enlevés dans la nuit du 15 au 16 septembre à Arlit, au Niger], voilà encore le gouvernement français cloué au pilori. Pourquoi ces rapts de Français ? Des facteurs du contexte en constituent des déterminants majeurs. Par exemple : la montée de la xénophobie en Europe. L'électeur a tendance à accorder ses faveurs aux pouvoirs d'extrême droite, favorisant du coup la montée de l'intolérance à tous les niveaux et faisant des Africains des victimes de choix. Les populations africaines, de tradition si hospitalières, comprennent difficilement pourquoi l'Occident leur ferme les frontières ou leur fait des injustices. De toutes les anciennes puissances coloniales, la France est celle dont l'intrusion est manifeste dans les affaires politiques et économiques du continent. Cette implication se remarque par le soutien à peine voilé à des régimes iniques. Elle en profite pour maintenir des bases militaires et consolider ses chasses-gardées sur le continent. Dans ses anciennes possessions, elle dispose de puissants lobbies qui font la part belle aux multinationales françaises.

Mais si AQMI et autres parviennent à harceler et à narguer une multinationale comme Areva, c'est que le terrain y est propice : ils bénéficient de complicités au sein des populations livrées à elles-mêmes. Le fait est que bien des multinationales occidentales qui opèrent en Afrique sont insensibles au sort des populations. On l'a vu au Nigeria où le MEND a toujours reproché à Shell, l'anglo-néerlandaise du pétrole, de se préoccuper uniquement de l'exploitation pétrolière au mépris de la préservation de l'environnement et de la santé des populations qui croupissent dans la misère. Ces multinationales occidentales doivent absolument revoir leur copie à ce niveau. Il ne suffit pas de s'attacher les complicités de gouvernants véreux, auxquels l'on a beau jeu d'attribuer ensuite les impératifs d'une juste répartition des "fruits de la croissance". Les pouvoirs africains n'ont pas toujours à cœur ce souci d'une distribution équitable des richesses nationales. Or il convient de plus en plus de s'assurer que les retombées économiques de l'exploitation des ressources minières, forestières, hydrauliques et autres profitent effectivement aux populations et non pas uniquement aux élites qui décident, dans leur confort douillet de la capitale, du contenu de cahiers de charges parfois trop complaisants. Les multinationales qui sont le plus souvent libres dans leur gestion, font partout ou presque la pluie et le beau temps. Nombreuses sont celles qui se préoccupent peu de promouvoir l'expertise locale, évitent de bâtir sur place des industries de transformation qui auraient pourtant pu aider à résorber le chômage des jeunes et à réduire l'importation de produits manufacturés. Sans aucun égard pour les déchets environnementaux et le sort des populations, ces multinationales rapatrient d'énormes superprofits.

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