23 Octobre 2010
La Guinée attendait samedi que la Commission électorale fixe une nouvelle date pour le 2e
tour de la présidentielle prévu dimanche et reporté pour la deuxième fois, sur fonds de tensions et de suspicions, les camps des deux candidats s'accusant mutuellement de
violences.
Le nouveau président de
la Commission électorale nationale indépendante (Céni), le général malien Sakia Toumani Sangaré, a annoncé vendredi ce report après avoir consulté tous les acteurs du processus
électoral. S'engageant à "organiser dans un très bref délai" le scrutin, il a expliqué qu'il devait "faire un état
des lieux" avant de fixer "une date réalisable et raisonnable".
La nouvelle était diversement accueillie samedi à
Conakry, les uns redoutant que le pays aille "de report en report", les autres jugeant que le général malien, nommé trois jours plus tôt à la tête de la Céni, avait "bien fait de prendre son temps" pour préparer convenablement
l'élection.
Le second tour avait été déjà reporté une première fois quatre jours avant la date alors prévue, le 19
septembre.
Après 26 ans de régimes militaires autoritaires et un premier tour qui a eu lieu le 27 juin, les Guinéens
doivent choisir librement leur président civil, en départageant l'ex-Premier ministre Cellou Dalein Diallo (43% au premier tour) et l'opposant historique Alpha Condé (18%).
"L'attente autant que l'impatience sont considérables", a rappelé le général Sangaré, alors que le peuple
guinéen a "pour la première fois de son histoire une opportunité réelle de relever le défi de la démocratie".
Sans détailler les raisons du report, il a évoqué "les contraintes, notamment celles liées aux derniers
dysfonctionnements enregistrés dans la marche de la Céni", suite à une "grave crise" en son sein.
Le Malien avait en effet été choisi mardi parmi diverses personnalités étrangères, pour que
l'impartialité de la direction de la Céni ne soit plus systématiquement contestée.
Le report du scrutin a lieu sur fond de violence latente.
Cellou Dalein Diallo a accusé le camp adverse de "préparer un hold-up électoral", en évoquant des "listes
électorales et cartes d'électeurs parallèles saisies". Il a affirmé que ses militants avaient été "agressés" jeudi par ceux de l'autre camp, et qu'il y avait eu plusieurs blessés dont un serait
mort.
Au nom du candidat Condé, l'ancien Premier ministre François Lonsény Fall a répliqué: "toutes les scènes
de violence sont au compte de l'autre camp". Il a alors souhaité que le vote ait lieu dans un délai "raisonnable", en disant: "les gens veulent de cette élection, il y a trop de contraintes liées
à la sécurité et l'atmosphère pesante sur la Nation".
Diverses informations alarmistes ont mis la capitale sous
tension, les habitants, inquiets, s'empressant de rentrer tôt le soir chez eux.
Vendredi, plusieurs dizaines de personnes ont été admises en urgence dans un hôpital, se plaignant
d'avoir été "empoisonnées" par des liquides absorbés, notamment au cours d'un meeting d'Alpha Condé.
"Il n'y a pas eu de décès ni de cas inquiétants", a affirmé la directrice de l'hôpital. Et un médecin a
assuré que l'hypothèse de l'empoisonnement ne se vérifiait pas pour l'instant", en évoquant "plutôt une panique".
Mais "la rumeur" avait couru que "les peuls du parti de Diallo avaient empoisonné les gens du parti de
Condé" et des échoppes de rue tenues par des peuls ont été détruites ou visées par des jets de pierre.
Samedi matin, dans la ville de Siguiri (nord-est), des habitants ont affirmé à l'AFP que des boutiques
appartenant à des peuls avaient été endommagées.
Par ailleurs, des habitants de Bambeto (banlieue de
Conakry) ont affirmé que des exactions avaient été commises vendredi par des forces de l'ordre, accusées de violences, déprédations et vols.