La Guinée nouvelle
28 Mars 2010
Du fait de son
implication dans ces événements, Paris s'était ensuite senti obligé de faire pression sur le régime de Déby pour faire la lumière sur les violations des
droits de l'Homme commises à cette époque. Une Commission d'enquête internationale avait été mise en place. En septembre 2008, contre toute attente, elle livrait un rapport plutôt percutant.
Sur la disparition de l'opposant, elle concluait qu'il avait été enlevé par «sept à dix militaires, de l'ethnie Zaghawa», dont est issu le président Déby. Ne pouvant résulter
«d'une initiative personnelle d'un quelconque militaire subalterne», la Commission assurait que l'escadron agissait sur «ordre de sa hiérarchie ou des instances supérieures de
l'État».
Pour Gaëtan Gorce, il ne fait aucun doute que la France sait ce qui s'est passé. Elle disposait alors de conseillers militaires, et l'un d'entre eux, membre de la
DGSE, était au Palais présidentiel lors de l'attaque rebelle sur N'djaména. «Nous ne pouvons nous résigner à ce que, dans un pays où la France exerce une telle influence, un homme tel que
M. Saleh ait pu disparaître au nez et à la barbe des autorités diplomatiques et militaires françaises», a lancé jeudi Gaëtan Gorce. Et de réclamer une présence internationale au sein du
«Comité restreint de suivi», comme le recommandait, à l'automne 2008, la Commission d'enquête.
Bernard Kouchner a paru gêné aux entournures. A l'Assemblée, il a écarté l'idée que Paris pourrait faire quoi que ce soit: «Nous avons fait tout ce qui
était en notre pouvoir pour faire aboutir l'enquête sur les événements de 2008». On a connu l'ancien French doctor plus pugnace...«Je partage ce souci de vérité qui vous
anime», a-t-il encore dit, avant d'estimer: «Il ne faudrait pas que, sous couvert d'excellents sentiments, nous en arrivions à galvauder les progrès accomplis dans ce pays» qui
«consolide son Etat de droit». Pour faire bonne mesure, Kouchner a martelé: «Il serait absurde d'interférer sur le cours de la justice d'un Etat indépendant». Il fut un temps
où Bernard Kouchner, plein «d'excellents sentiments», se faisait le champion du droit d'ingérence. C'était il y a une éternité, semble-t-il.