3 Octobre 2010
«La première chose à laquelle j'ai pensé, c'est qu'est-ce que j'allais bien pouvoir dire aux gens ?». Pawel se souvient encore avec émotion de ce jour où, sa femme et lui, skinheads depuis des années, ont découvert leurs origines : eux, les nationalistes, persuadés de la suprématie blanche, étaient en réalité... juifs. La chaîne américaine CNN a diffusé lundi soir un documentaire où elle raconte quelles étapes ces deux jeunes ont traversées dans leur quête de leur identité : étonnement, colère, refus, et enfin...acceptation.
La révélation éclate à Varsovie au milieu des années 1990. Pawel, à peine la vingtaine, est marié à son amour de jeunesse, Ola. Ensemble, ils partagent les mêmes convictions : la Pologne doit appartenir aux «vrais Polonais». Exit donc les Noirs, les Arabes, les Juifs, ou toute autre «race» qui viendrait perturber cette suprématie. Depuis plusieurs années, ils sont engagés dans le mouvement skinhead. Pawel, régulièrement, «tabasse» avec ses amis, tous issus du même milieu.
Mais Ola, un jour, se remémore une conversation qu'elle a eue avec sa mère alors qu'elle était enfant. Sa mère lui parle de ces racines, prononce le mot «juive». Mais Olga, qui n'a que 13 ans, ne prête guère attention à ces propos. «Cela ne m'intéressait pas, cela m'est sorti de la tête», se souvient-elle dans le documentaire que lui a consacré CNN.
Pourtant, ce jour-là, elle s'en souvient. Inquiète, elle décide de se rendre à l'Institut d'histoire juive de Varsovie, qui compte plus de dix siècles d'archives. Et rapidement, elle trouve des réponses à ces questions : elle est juive. Lui vient alors l'idée de remonter les origines de son époux. Et là encore, même constat : tout comme elle, Pawel est juif.
«Je ne savais pas comment lui dire. Je l'aimais, qu'il soit punk ou skinhead, qu'il frappe des gens ou non. A l'époque, ce mouvement était très actif en Pologne», se souvient Ola. Une fois de retour à la maison, Ola raconte tout à Pawel, qui s'empresse de se rendre chez ses parents qui lui confirment qu'il a bien des origines juives. Le secret familial est dévoilé.
«C'est difficile de décrire ce que j'ai ressenti quand j'ai découvert que j'étais juif, raconte Pawel. J'étais en colère, triste, effrayé, incertain (...) Je ne pouvais pas me regarder dans une glace. J'y voyais un Juif. Je détestais la personne que je voyais».
Pour en savoir plus, Pawel décide de rendre visite à Michael Schudrich, grand rabbin de Pologne. «Je lui ai dis 'écoutez, on me dit que je suis juif, j'ai ce document dans la main, mon père et ma mère m'ont dit des choses. Qui est ce Juif ? Qu'est-ce que cela signifie ? Aidez-moi, ou autrement, je vais devenir fou».
Au fil des années, le couple se lie d'amitié avec le rabbin, qu'il considère aujourd'hui comme un mentor, et ensemble, ils embrassent leur nouvelle religion. Pawel, 33 ans désormais, revient sur son parcours : «Je ne dis pas que je n'ai pas de regrets (...) Je suis désolé pour les gens que j'ai pu tabasser. Mais je ne m'en veux pas. En revanche, ceux que j'ai blessés peuvent m'en vouloir».
Aujourd'hui, Pawel et Ola sont des membres actifs de la communauté juive varsovite. Pawel suit une formation pour travailler dans un abattoir où la tradition casher est respectée. Ola, de son côté, travaille dans la cuisine d'une synagogue.
«Le fait qu'ils aient été skinheads ne fait en fait qu'accroître le respect que j'éprouve pour eux, explique le rabbin Michael Schudrich. (…) Ils ont compris que ce n'était pas le bon chemin, ils ont accepté, plutôt que de la fuir, l'idée de faire partie de ces gens qu'ils avaient l'habitude de détester», raconte-t-il. Avant de conclure : «Où ils en sont aujourd'hui n'a rien à voir à ce qu'ils étaient dix ans auparavant. L'être humain a cette capacité extraordinaire de pouvoir évoluer. Et parfois, pour devenir quelque chose d'encore meilleur».