24 Juin 2010
"Mon général, je suis au garde-à-vous ! Pour qui dois-je voter ?" Voilà une
question qui ne risque pas d’être posée au général Nouhoun Thiam, chef d’état- major général des armées guinéennes. Il a en effet assuré que les militaires voteront librement pour le candidat de
leur choix, ce dimanche 27 juin 2010 au pays du Fouta Djallon. Chose inimaginable sous le règne de Lansana Conté, où l’ordre "votez pour le président" était collé au front des soldats, les
empêchant ainsi de penser aux autres candidats sur les bulletins de vote.
Un rayon de soleil démocratique est en train d’illuminer le ciel guinéen. Les casernes africaines ont-elles jamais connu une telle liberté ? Mais qui peut y répondre, puisque le nez d’aucun
journaliste, d’aucun observateur n’a pu fureter dans les dédales de ces casernes au moment où les "forces de défense" balancent leur voix dans les urnes. Qui peut affirmer, à part les principaux
concernés, d’ailleurs baillonnés par les règles de la "Grande muette", que ces urnes sont transparentes ? Sont-elles protégées par un isoloir ? Existent-elles seulement ? Mystère et boule de ...
grenade !
Pourtant, les forces militaires et même paramilitaires sont des réserves de voix qui peuvent être décisives pour un candidat. Alors, quel candidat à sa propre succession cracherait sur cette
manne ? Cela amène à reconnaître que l’absence en Guinée de candidat au pouvoir peut expliquer et faciliter cette inhabituelle liberté concédée aux militaires. Si par exemple, Sékouba Konaté, le
président intérimaire guinéen était partant pour la conquête du fauteuil sur lequel il est actuellement assis, nul ne peut jurer que les militaires n’auraient pas obéi au pied de la lettre à un
ordre qui étrangle pourtant le droit de leur libre vote. Solidarité de corps oblige.
Heureusement, on n’en est pas là et il faut saluer cette ouverture, cette volonté de transparence et de liberté qui servent de jambes au processus électoral guinéen dans la course vers la sortie
de crise. Elles servent à faire relever la tête aux militaires guinéens. Ces militaires qui, partout en Afrique (à quelques exceptions près), perdent souvent la confiance des populations parce
que leur neutralité n’est pas toujours établie lorsqu’il y a consultations électorales. Ce ne sont pas ces urnes qui se baladaient en 2005 dans les rues de Lomé bien au chaud sous des aisselles
en treillis qui diront le contraire. L’exemple du général Thiam est donc à suivre, en ce sens qu’il arrose les graines de la démocratie, de la libre expression et de la négation du culte de la
personnalité dans le champ des casernes militaires. Afin, que ces hommes et femmes ne soient plus de cette classe sans personnalité ni âme, condamnée à exécuter aveuglément les prières de
dirigeants généralement pas très catholiques. En tout cas, la Guinée Conakry est sur un radeau qui l’éloigne de la berge de 50 ans de dictature et l’amène vers le port d’une véritable révolution
démocratique. Et on espère que pour ce qui ressemble à un coup d’essai, ce sera un coup de maître.