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La Guinée nouvelle

Le fils de Lumumba parle

Le fils de Lumumba parle rolandlumumbaQue vient faire Roland Lumumba au Cameroun ?

Je viens pour une raison simple, une raison familiale. Ma femme depuis l’année dernière travaille au Cameroun. Je viens lui rendre visite et aux enfants et en profiter pour connaitre le Cameroun où je n’étais jamais venu malgré mes multiples voyages à l’étranger. Les échanges entre nous Africains ne sont pas toujours faciles surtout en Afrique centrale. Quand je suis en Afrique de l’Ouest, tout le monde va chez tout le monde. Pour aller au Nigeria, en Côte d’Ivoire, tu sautes dans ta voiture et tu y es. Mais dans notre zone, c’est un peu difficile. Il faut que les populations, la société civile, les hommes d’affaires se mobilisent pour faciliter cet échange entre nous.

Qu’avez-vous éprouvé en rentrant au Congo trente et un ans après l’assassinat de votre père ?

D’abord je vous remercie pour cet accueil. A travers vous, je peux féliciter tous les Camerounais qui sont les premiers à passer au cinquantenaire des indépendances. Mes félicitations vont également aux Lions Indomptables qui vont participer dans quelques jours à la Coupe d’Afrique des nations en Angola. Je leur dis bon vent. Pour revenir à votre question, durant les trente un ans passés en exil, on a été d’abord accueillis par le président Gamal Abdel Nasser (ensuite Sadate et Moubarak) en Egypte où j’ai vécu pendant dix huit ans. Mes frères et sœurs y ont vécu quant à eux entre une dizaine d’années et 34 ans. Après, je suis allé à Paris pour poursuivre mes études d’architecture. Après les études, entre le travail et les tentatives de rapprochement du régime de l’exilé politique que j’étais. Après si longtemps, on essayait de sensibiliser les uns et les autres à l’étranger que la vision est différente. Il y avait de l’amertume et de la tristesse. On voyage beaucoup lorsqu’on est exilé. Nous avons été bien accueillis par beaucoup de présidents comme Sékou Touré (Guinée-Conakry) Nasser, Sadate et Moubarak etc. Beaucoup de chefs d’Etat ont essayé de nous soutenir pendant ce long exil et après on est entré en contact avec le colonel Kadhafi qui a des idées qui concordent avec celles défendues par mon père, Kwamè N’krumah, Modibo Keita, Nasser, etc.

C’est la joie à l’arrivée au bercail de retrouver une famille que je ne connaissais qu’à travers les lettres, il n’y avait pas d’Internet avant. J’ai retrouvé des personnes tout à fait différentes à part les quelques unes que j’ai pu croiser en Europe. J’étais un peu privilégié. Souvent, il m’arrive de penser qu’à quelque chose malheur est bon. Rien ne se fait au hasard. Je considère qu’on avait une part de responsabilité à construire ou à reconstruire notre pays. Cette déconfiture qu’on a trouvée au pays, c’était pour dire que ce que tu n’as pas pu faire ailleurs puisque tu n’étais pas chez toi, voila l’occasion qui t’est offerte.

Quels sentiments vous avez nourri à l’endroit des gens comme Kasavubu, Tshombé et Mobutu, présentés comme la main ayant servi à éliminer votre père ?

Avec du recul, au niveau spirituel, je pense que Lumumba était un homme qui avait une mission. Il l’a accomplie, il se définissait lui-même en tant qu’idée, en disant « Je n’ai pas de père, je n’ai pas de mère. Je n’ai pas de tribu, je n’ai pas de religion. Je suis une idée, le Congo m’a façonné et je chercherai à mon tour à le façonner ». Il est passé. Mais ça n’empêche pas qu’il reste biologiquement mon père même si je peux parler de lui avec détachement. La seule des personnes dont vous parlez que j’ai trouvée vivante à cette époque, c’était Mobutu, les deux autres étaient déjà mortes. On ne s’en prend pas aux morts au risque de continuer de vivre dans l’amertume.

Par rapport à Mobutu, c’est quelqu’un contre qui j’ai un jugement sévère car j’estime qu’il y a certains dictateurs qui ont pu faire quelque chose pour leur pays. J’essaie de lui trouver des excuses : il essayait sans doute d’accéder au pouvoir mais qu’en a-t-il fait pour ce pays qui lui a tout donné ? Rien. Ce que je trouve encore plus désolant, ce sont ces gens qui se revendiquent aujourd’hui de lui. Lui au moins défendait son existence. Qu’est-ce qu’ils défendent eux ? J’attends la réponse depuis.

Parlant justement de l’héritage de votre père, on n’entend pas trop parler de vous dans le paysage politique congolais ? Avez-vous abandonné le combat sinon comment faites-vous pour perpétuer sa mémoire ?

Je ne crois pas qu’on a abandonné quoi que ce soit. Nous sommes quatre frères et sœur : François Lumumba, l’ainé dirige l’ancien parti de notre père le Mouvement nationaliste congolais Lumumba (MNCL); le deuxième, Patrice fait carrière dans l’administration ; La fille, Juliana, a été pendant quatre ans ministre de Kabila père et de Kabila fils et est aujourd’hui secrétaire générale de la Chambre de commerce de l’Union africaine au Caire en Egypte; quant à moi, j’ai été député pendant une dizaine d’années. Par ailleurs, on a créé la Fondation Patrice Emery Lumumba démocratie et développement. Dans sa dernière lettre adressée à notre mère, lettre considérée comme son testament politique, Lumumba lui-même disait : « A mes enfants que je ne reverrai peut-être plus, j’aimerai qu’on leur dise que l’avenir du Congo est beau et j’attends d’eux, comme j’attends de chaque Congolais, l’accomplissement de leur devoir sacré ». Ça voulait tout dire : si tu es charpentier, tu peux servir ton pays en restant charpentier et en exerçant ton métier au mieux. C’est vrai que dans les pays du tiers monde, la politique est considérée parmi les secteurs qui amènent le changement plus rapidement, mais ce n’est pas la seule voie. Trois de nous l’ont faite. Mais nous refusons de faire la politique spectacle. Non, nous n’avons pas abandonné le combat ! Certes, nous faisons face à l’adversité, mais nos détracteurs ne peuvent agir à visage découvert car Lumumba est devenu une icône, une légende pour le continent. Il figure parmi la liste des cent personnes qui ont marqué l’Afrique pendant le XXè siècle. A l’intérieur du pays quand quelqu’un est contre Lumumba, il n’ose pas le dire à haute voix, il ne peut qu’user de son pouvoir s’il en a un.

Quels sont aujourd’hui vos rapports avec la Belgique, la puissance colonisatrice au moment de ce triste événement ?

La Belgique a joué un très mauvais rôle dans ce triste épisode de l’histoire de mon pays. Une enquête parlementaire a été ouverte dans ce pays pour montrer l’implication de l’Etat belge dans l’assassinat de Lumumba et le résultat de cette enquête a parfaitement établi sa responsabilité. Et le pays a présenté des excuses officielles à la famille Lumumba et s’est engagé à aider au financement de la Fondation Lumumba à hauteur d’un certain montant. Encore une fois, les dirigeants de la Belgique n’ont pas honoré leurs engagements depuis 2002. Je profite de cette tribune pour dire que nous n’avons rien obtenu. Dans un proche avenir, nous allons chercher des voies et moyens pour que justice soit faite. Quand les Européens sont affectés, ils font tout pour que le préjudice soit réparé. L’Allemagne paie toujours la facture de la guerre mondiale. Il y a même l’exemple de la Libye avec l’attentat de Lockerbie. On mène un combat contre un pays et ce n’est pas normal que nous les Africains soyons réduits au simple statut de spectateurs. Je ne le dis pas parce que je suis un fils Lumumba mais à travers le monde, il y a des millions de fils spirituels de Lumumba car ce combat n’est pas seulement celui des fils biologiques de Lumumba. S’il y a des Camerounais et des Africains qui veulent s’engager, allons-y ensemble. Ensemble, nous vaincrons.

Parlons maintenant du Congo, votre pays. De l’extérieur on a l’impression qu’il n’y a pas un seul quartier au Congo qui ne soit en guerre. Quelle est la situation réelle et selon vous qu’est-ce-qui justifie cela ? Est-ce une guerre menée par des étrangers qui convoitent les richesses du Congo ? La cohabitation entre les différentes ethnies est-elle possible ?

Je crois que dans chaque groupe humain, il y a toujours des problèmes. Entre les Bamilékés et les Bassa, c’est un exemple que je prends au Cameroun, il se peut qu’il y ait des tiraillements. Dans un pays comme le Congo qui est quatre fois et demi plus grand que la France, il ne saurait en être autrement parce que c’est comme ça la vie mais est-ce qu’entre nous les problèmes se résument à se tuer comme à l’Est du pays où se concentre l’essentiel des conflits ?

Le Congo est un pays très riche. C’est notre grand malheur. Quel est le minerai qui n’existe pas au Congo ? L’or, le diamant, le coton, le pétrole, le cobalt, l’uranium (qui sert à faire des bombes), tout y est. L’agriculture prospère avec un vaste territoire ; nous avons de l’eau partout et en abondance (c’est le premier potentiel hydroélectrique d’Afrique), comme vous le savez, le combat de demain sera celui de l’eau.

Or, certains pensent que le Congo ne devrait pas avoir toutes ces richesses pour lui seul. Si on ne se laissait pas manipuler… Car là est le nœud de tous ces conflits. Dès qu’on arrête un général rebelle, un autre nait immédiatement. Ça veut dire que les belligérants se fabriquent. Quand Kagame s’est mis d’accord avec Kabila, quarante huit heures après, même pas une semaine, Laurent Nkunda était mis en résidence surveillée. Qu’est-ce que ça veut dire ? Essayez de réfléchir. Si on tombe en désaccord, on va trouver un autre Nkunda en Equateur, au Kasai où que sais-je encore.

Vous ne pensez pas nécessairement aux puissances étrangères lorsque vous dites qu’il y a des gens qui lorgnent vos richesses… ?

Les pays voisins sont souvent appuyés par qui ? Le Rwanda effectivement a des problèmes de terre. La plus grande concentration au kilomètre carré, c’est au Rwanda : plus de trois cent personnes au kilomètre carré. Ils sont essentiellement éleveurs et agriculteurs, deux métiers qui demandent de la terre. S’ils sont aidés par des grandes puissances pour résoudre leurs problèmes, ils aident ces grands là à résoudre beaucoup d’autres problèmes. C’est logique. « It’s businness » sur le dos du Congo.

Vous ne pensez pas qu’en négociant entre voisins pour une meilleure répartition des terres, le Congo pourrait éviter ce genre d’ingérence de l’extérieur qui consiste à dresser un pays voisin contre un autre ? Imaginons que les gouvernements de Kagamé et Kabila se mettent sur une table pour que le Congo cède des terres aux Rwandais…

Cela s’appellerait haute trahison. La terre que Kabila cède appartient au pays, à des populations, pas aux dirigeants. Le Congo c’est comme le Cameroun. Essayons de faciliter aux lecteurs la compréhension de la proposition que vous venez de faire. Un territoire à côté du Tchad est cédé aux populations tchadiennes pour contenter les dirigeants des deux pays. Cela n’a pas de sens puisque ces terres appartiennent à des populations précises, Arabes choas, Peuls ou Bororos, etc. Non, il n’appartient pas aux dirigeants de disposer à leur guise des terres des communautés. Après les indépendances, il y a eu un découpage, peut-être arbitraire, malheureusement, c’est devenu notre référence. Je suis d’accord qu’il faut trouver une solution mais pas celle que vous suggérez car personne ne peut accepter même si cela est fait pour l’intérêt supérieur de la nation car les ressortissants des régions ainsi cédées ne l’accepterons pas aussi facilement et on risquerait de se retrouver dans une spirale. Il faut trouver des solutions et il faut que celles-ci soient africaines. Des solutions qu’on trouve à Paris ou à Washington n’ont souvent aucune emprise sur les réalités locales. Pour eux, nous ne sommes que des pions sur un échiquier. Ils diront que ces Noirs là, pourquoi veulent-ils s’entretuer ? Il suffit de couper un peu ici et donner là-bas. Facile, trop facile.

Est-ce que les frontières qui coupent un même peuple en deux ou trois parties, donc artificielles, ne peuvent être ignorées…

Je crois que vous faites des propositions auxquelles j’adhère, pas seulement par héritage. On cite aujourd’hui les Nasser, N’krumah, etc., en exemple. C’est qu’il n’y a plus de place pour les petits ensembles. Les Français qu’on regardait comme des dieux il n’y a pas très longtemps ont été obligés de s’unir à l’Allemagne, l’ennemi d’hier et à d’autres pays européens pour faire face à l’invasion asiatique et aux Américains. Et nous autres Africains alors ? Quelle place aurons-nous face à ceux qui étaient encore nos maîtres il y a cinquante ans ? On fête aujourd’hui cinquante ans qui ne représentent rien dans la vie d’un peuple. Beaucoup parmi nous ont vécu cela. Nos maîtres d’hier, nos Dieux pour les uns, c’est la France, pour les autres le Portugal, l’Angleterre, etc. Ils n’arrivent pas à s’en sortir seuls. Le Congo, le Cameroun, le Rwanda, et les autres veulent se compliquer la tâche pour avoir un petit visa comme si on allait au paradis. Pour vendre sa marchandise à un pays voisin, il faut d’abord qu’elle pourrisse au port ou à l’aéroport. Il faut dépasser ces barrières inutiles. Que font les voisins? Cette mondialisation, on dit qu’elle a été faite contre nous à cause des accords qu’on a signés. La primauté des produits français dans les échanges. Qu’est-ce que l’Afrique échange ? Rien. Parmi les pays qui essaient de faire des efforts, il y a déjà le Cameroun qui refuse d’exporter le bois brut, mais est-ce suffisant sur l’échiquier mondial ? Non.

Quelle est dans ce cas, la symbolique que revêt pour vous la célébration du cinquantenaire des indépendances en Afrique ?

Il faut aller vers l’essentiel. La célébration, c’est quoi ? Qu’est-ce qu’on fera cette année et que fera-t-on l’année prochaine ? Il faut penser les choses en profondeur. Quels échanges pouvons-nous avoir avec l’Union européenne, ne parlons plus de la France ? Les Européens parlent Europe et les Africains continuent à parler de pays, de villages, de tribus, d’ethnies, etc. Arrêtons ça, vous voyez comme on est petits et vulnérables ? On continue de parler de France. C’est un déphasage complet qui honore la France seule pendant qu’elle-même s’est effacée en faveur de la Grande Europe. Réveillons-nous, le train a démarré ! Halte au problème de leadership en Afrique. « Ce Kadhafi-là même vaut quoi, entend-on ci et là ? Son pays n’a que cinq millions d’habitants, il ne peut pas nous diriger tous. » Pourtant, le fait est là, il s’est investi pour penser, il a mis la main à la poche. Ne critiquez pas si vous n’avez rien à proposer. Formez un autre groupe si vous voulez mais allez toujours dans le sens positif. Seul celui qui ne fait rien ne se trompe pas. Si on ne pense pas union, on ne pense pas ensemble, tant que je serai emmerdé dans l’obtention d’un visa pour arriver chez vous et que je vous rende la pareille quand vous viendrez à Kinshasa ou Malabo, on ne va pas avancer. Un homme d’affaires européen n’a qu’à se rendre à l’aéroport, il voit l’avion prêt à partir et se déplace à sa guise. Mais si ce sont nos milliardaires d’ici, ils vont se faire emmerder à l’aéroport, chez eux en Afrique !


Revenons aux conflits qu’il y a en RDC. Il y a un ancien ministre Congolais qui de passage au Cameroun avait dit que les rebelles sont des vermines qu’il faut broyer.

Je ne peux pas suivre ses écarts de langage. Je suis parfaitement au courant qu’il a tenu ces propos et des propos plus durs que ça que je me réserve le droit de prononcer. C’est une tactique, quand tu es en guerre, il faut tenir des propos populistes pour rassembler les gens. Je n’y adhère pas mais j’explique seulement car je ne suis pas son avocat. Je suis pour qu’on ne s’entretue pas. Parce que la violence engendre la violence. Aujourd’hui, il y a à l’Est de la RDC cinq millions de compatriotes morts. Cinq fois la population du Gabon, c’est la population de la Libye. C’est énorme. Au lieu de prendre les armes, il faut discuter. Il y a des lois dures chez nous. La loi du sol n’existe pas au Congo, pour acquérir la nationalité, il faut en faire la demande. Aujourd’hui, il faut peut-être se pencher sur le cas des gens qui ont déjà fait quarante ans sur le sol congolais. Quel statut pour eux ? Mais tout ça ressemble à de la manipulation. Beaucoup de ces gens ont été dans le premier parlement, dans le gouvernement de mon père. Il y a des réalités dont on sert pour faire de l’amalgame. Mais il s’agit d’un problème réel qui doit être résolu politiquement et sociologiquement mas il ne faut pas s’en prendre aux personnes vulnérables qu’on pousse dans les bras de l’autre ou bien que l’autre essaie de le manipuler.

Si on comprend bien, le Congo a aujourd’hui un problème de statut civique des populations, un problème de nationalité ?

Il y a un problème de nationalité, oui. Même parmi les hommes politiques en vue. Notamment ceux qui ont acquis des nationalités étrangères à cause de l’exil. Dans la loi congolaise, cela est incompatible avec la nationalité congolaise. Imaginez un ministre de la Défense ou un député qui n’a pas la nationalité congolaise ! Ces derniers mois, il y a eu un ultimatum sur un certain nombre de députés qui avaient pris la nationalité française ou belge.

Est-ce le gouvernement de Kabila a conscience de ce fait qui risque de faire imploser un pays comme on l’a vu en Côte-d’Ivoire…

Je ne suis pas membre du gouvernement pour savoir si les dirigeants s’intéressent à ce dossier. Selon mon observation, on ne voit pas comment il gère ce contentieux. Il me semble qu’il essaie de caresser la diaspora dans le sens du poil parce qu’elle était et est encore hostile au régime en place à cause d’un déficit, dit-on de communication. Je pense que le gouvernement actuel n’attaque pas le problème au fond. Par ailleurs, il faut savoir qu’il y a aussi un problème ethnique qui se pose. Car beaucoup disent que parmi nos 400 ethnies, on ne connaît pas les Banyamulenge. Les tenants de cette hypothèse soutiennent que parmi les ethnies recensées par les Belges, les Banyamulenge n’y figuraient pas. Mais aujourd’hui, c’est devenu une réalité qu’il faut gérer. Comment la gérer ? Je n’ai pas une réponse définitive. Jusqu’à présent le gouvernement ne fait rien pour cela.

Sur le plan économique le gouvernement Kabila a conclu des accords économiques tantôt avec la Chine tantôt avec les Etats-Unis, tantôt avec d’autres pays européens. Sans oublier le Brésil et l’Inde. Ces démarches peuvent-elles prospérer et ensuite peuvent-elles être efficientes pour le développement économique du pays ? N’ya-t-il pas plutôt un risque que cette multitude de conventions n’exaspère les problèmes de cohabitation dans la mesure où elle met face à face ceux qui considérent le Congo comme leur chasse gardée ?

Cette question essaie d’éclairer un peu ce qui se passe en RDC. On en parle jusqu’à la Banque mondiale qui vient de demander la révision du contrat entre la Chine et la RDC, pour vous montrer à quel point le Congo intéresse un groupe de gens. La plus grande mission militaire des Nations unies y est installée. Pourtant cela n’a pas empêché la rébellion de prospérer. Comment est-ce possible ? Les forces de l’ONU se cachent et laissent les rebelles s’amuser comme ils veulent. Il y a un problème. Comment les forces de l’ONU n’y arrivent pas à arrêter ces petits gangs qu’un groupe de maffieux les exterminerait en moins d’une semaine. A plus forte raison, lorsque ces groupes attaquent les populations, violent (les femmes) et tuent, des horreurs qui finalement deviennent une arme, et qui se perpétuent malgré la présence des Nations unies sur place. Pour revenir à la question économique, ça nous étonne mais ça montre également que le pays intéresse beaucoup de puissances. Il y a même certaines langues qui disent que l’uranium que l’Iran cherche à enrichir provient de la RDC. Ça ne m’étonnerait pas car tant qu’il y aura de l’uranium, il y aura des acheteurs. Et aujourd’hui, le contrat chinois est un des derniers qui illustre l’OPA que des gens font sur mon pays. Il y a des Sud-Africains, des Canadiens, des Australiens, même des Pakistanais qui viennent chercher leur part en RDC. Ne parlons pas des Français, Belges et Américains. Ils y sont depuis et se considèrent comme en terrain conquis. Mais lorsque des hommes d’affaires veulent venir y investir, on les décourage en leur disant que le Congo est dangereux. En tant que consultant international, pas seulement en architecture mais également dans d’autres projets plus à l’étranger que dans mon pays, souvent quand je discute avec des Arabes ou des gens qui ne connaissent pas bien l’Afrique, c’est toujours la même chanson : « chez vous il y a la guerre ». Essayons une réflexion ensemble : Vous êtes au courant de la faillite de Sabéna. Cette compagnie belge avait cinq rotations hebdomadaires au Congo alors qu’Air France n’y était pas encore. Après la faillite de Sabéna, la compagnie française a juste traversé le fleuve pour deux rotations par semaines qu’elle a augmenté à trois. Devenue entre temps Sn Brussels, Sabéna est revenu avec deux rotations par semaine pour monter à trois. On se dit qu’il ne peut pas atteindre son niveau d’antan car il faut rationaliser. Mais Sn Brussels monte à cinq vols hebdomadaires et négocie une licence avec une compagnie congolaise et compte aujourd’hui sept vols par semaine dans un pays très très dangereux. On y ajoute les trois vols d’Air France, on obtient deux compagnies de l’espace Schengen qui y ont dix rotations. On ajoute ceux qui ne nous ont pas abandonnés, Kenya et Ethiopian. Chacun a au moins deux à trois vols hebdomadaires. Dans le même temps, la procédure pour l’obtention du visa est resté intact. Ça veut dire qu’il faut montrer patte blanche pour avoir un visa. C’est toujours les mêmes Congolais qui voyagent, entre ceux qui viennent passer les vacances et les autres. Mais qui remplit donc ces avions là ? On se pose la question. Et pour aller où ? Dans un pays aussi dangereux ? La vérité est qu’on cherche à nous cloisonner, à faire de nous comme les réserves des Indiens, construire un mur autour de nous. C’est eux qui encaissent les billets et décident qui vient et qui ne vient pas. Tu ne prends pas des photos sinon tu payes plus. Pas de caméscope. A tel endroit tu ne vas pas.

Pour en revenir au contrat chinois, le nouveau gouvernement y a mis un point d’honneur. Pendant la transition d’un président avec quatre vice présidents, les dirigeants ont spolié, vendu d’une façon honteuse la carte minière de la Rdc. Je ne sais pas combien de contrats ont été révisés mais le contrat chinois, Strauss-Kahn (Directeur général du Fmi, ndlr) en venant a dit qu’on lui fasse une copie pour qu’il fasse des propositions.

D’après vous cette diversification de partenaires est-elle une bonne chose ?

Bien sûr, ce n’est pas parce qu’il s’agit des Chinois. Pourquoi faut-il revoir le seul contrat chinois et pas celui des Américains, des Belges et des Taïwanais, etc. ? Si on doit revoir celui des Chinois, qu’on le fasse pour tout le monde. La Chine a l’avantage de n’avoir pas de culture à exporter. Chez eux, c’est l’économie, le cash. Le danger chez eux, c’est qu’ils sont très nombreux.

Avant les indépendances, on parlait de l’Afrique Equatoriale française et on se sentait comme dans un seul pays. Le leader de l’Afrique centrale s’appelait Barthélemy Boganda. Il avait un projet de créer la grande république centrafricaine. Ce qu’on appelle RCA aujourd’hui s’appelait Oubangui-Chari. C’est lui qui a imaginé le nom de la république centrafricaine qu’il voulait appliquer à toute la sous région. Mais il est mort dans un accident mystérieux. On peut donc penser que c’est à cause de la France qu’il y a des barrières entre nous. Votre point de vue, cinquante ans après l’indépendance ?

C’est très facile à comprendre. Ces dirigeants sont sortis de quelles écoles et continuent de sortir de quelles écoles occidentales ? Toujours des mêmes écoles. On a l’espoir peut-être avec la génération Internet. Mais il faut que nous les parents, on leur facilite le raisonnement, que ce n’est pas une trahison d’aller vers une Afrique, une RCA qui regroupe cinq à six pays. Au contraire, c’est un mieux être. Aujourd’hui, on est dans l’exclusion. Si un responsable parle de céder un territoire à un tiers, sa tête serait mise à prix.

Jacques Chirac a dit que la démocratie est un luxe pour les Africains et il y a deux ans Nicolas Sarkozy disait à Dakar que l’Afrique n’est pas entrée dans l’histoire. Quand vous observez la manière dont les pouvoirs se font et se défont, est-ce que vous avez l’impression que la démocratie est une chose africaine ? Y a-t-il quelque chose qui manque ou faut-il la faire autrement ?

Ce genre de phrases ne m’intéresse pas car ce ne sont pas Messieurs Chirac et Sarkozy qui ont fabriqué les peuples d’Afrique, ce sont de personnes qui donnent leurs opinions sur ces peuples et elles peuvent être erronées. Le problème, c’est de savoir quelle démocratie pour nous Africains et c’est toute la problématique. Je pense pour ma part qu’il faut la faire autrement. Le principe d’une personne, une voix à l’européenne, adaptons la à nos cultures.

On constate depuis un certain temps que le passage de témoins se passe entre fils. Eyadéma au Togo, Kabila en RDC et Bongo au Gabon. Quelle lecture en faites vous ?

Je devrais être mécontent que mon père ne m’ait pas transmis le pouvoir (rires). J’ai toutes des raisons d’être virulent à ce sujet. C’est le résultat de l’inadaptation du système à la mode (démocratie, ndlr) à nos réalités. Vous voulez la démocratie, on va vous la faire. C’est quoi la démocratie, c’est un homme, une voix. Cinquante plus un, il passe, ok on va vous faire ça. Quand je ne peux plus passer pour des raisons X ou Y, je place les miens et quand les miens ne sont pas encore au niveau idéologique approprié, je fais comme en Russie. Poutine a fait ses deux mandats et comme il n’a pas un fils pour diriger, il fabrique un fils à qui il a donné le pouvoir. Il continue à gouverner officiellement car il est Premier ministre. Il ne s’est même pas mis à l’écart. Il est encore au front et va revenir. Voilà le système avec lequel on est entrain de nous tromper. Il faut s’attaquer à la racine du problème. Si ça peut changer l’orientation.

L’ancien chef de l’Etat Congolais a été enterré loin de son pays. Le rapatriement de sa dépouille selon vous constitue-t-il un problème d’Etat ou celui de sa famille tel que le disent les autorités du Cameroun à propos des restes du premier président du Cameroun Ahmadou Ahidjo ?

Même si je ne l’apprécie pas car Mobutu a tué l’Etat congolais naissant, mais de là à priver sa famille de sa dépouille, c’est tout un autre problème. Je dis que sa dépouille doit revenir au Congo en tant qu’Africain, en tant que Bantou.

Une question sur la vie sportive. Nous savons que le Zaïre était un grand pôle sportif en Afrique. On a encore en mémoire la grande rencontre de boxe qui y a été organisée en 1976. Tout comme les différentes mutations de dénomination, de Simbas à Panthère et même la dénomination du pays a changé. Ces dénominations obéissent-elles à une volonté politique ? Est-ce une volonté de Kabila de tout raser sur son passage toute trace de Mobutu ? Quel espoir de réveil du Congo sportif ?

Le gouvernement Kabila veut effacer ce passage noir de Mobutu. C’est clair. Ç’est Mobutu qui a changé le club Engelbert en Tout Puissant Mazembé. Après, on a enlevé ce nom de Zaïre qui ne signifiait rien pour notre pays, il faut dire les choses comme elles sont. Si ça avait un fondement idéologique et historique, il y allait avoir des défenseurs mais tout se résume dans la volonté d’un homme d’effacer une époque en changeant tout. La période de 1974 que vous citez au niveau du football a été prospère pour le Zaïre qui a tout gagné en football. Coupe des nations, champion d’Afrique des clubs et bien d’autres. Ça veut dire que rien ne nous a échappés. Mais à côté de cela, un Zaïre valait deux dollars. Economiquement on était au top avec une grande démographie. Comme le peuple aimait le football, le sport, des moyens ont été mis par rapport à ça. Pour le passage de Simbas à Léopard, on avait changé l’emblème du léopard, on a mis le lion. Mais dans notre signification de base, ça a été toujours le léopard depuis la première république. Ça veut dire que Mobutu n’a rien inventé. Dans certaines photos de Lumumba, il portait la toque de léopard. Mais il ne mettait pas trop d’accent là-dessus. Comme Mobutu a y mis trop d’accent, c’est devenu une image identifiable à lui. Quand il y a un fond historique, les choses reviennent à leur état initial. C’est Kabila père et ses compagnons qui ont imposé l’emblème du lion. Ce n’est rien d’autre qu’un retour aux sources.

Est-ce que le gouvernement actuel accorde la même importance au football et au sport et y met les moyens pour que ça marche ?

Malheureusement non. Dès qu’on met un peu de moyens, tout avance. On a vu le Tp Mazembé devenir champion d’Afrique. Vous savez pourquoi ? Parce qu’il a un gouverneur qui s’intéresse au football. Il était millionnaire avant d’atterrir dans la politique. Quand il a mis la main à la poche, l’équipe le lui a bien rendu. C’est la reconnaissance mutuelle. Maintenant nous sommes leaders en musique. L’Etat ne cherche même pas à profiter. Le sport est un investissement, il faut d’abord dépenser pour gagner. Dans la musique, il suffit seulement d’organiser et de ramasser les bénéfices. Ce qu’il ne fait pas. Hélas !

Un mot sur Obama… et la Guinée-Conakry pour clore cet entretien…

Je suis comme beaucoup d’Africains fier qu’un Noir soit président des Etats-Unis et de l’autre côté, j’ai souhaité qu’Obama devienne président pour qu’on soit désillusionné une fois pour toutes. Un Américain rouge, jaune ou bleu reste un Américain. Donc si on attend quelque chose de lui, vaut mieux rentrer dans la profondeur de soi-même pour puiser dans nos forces pour le changement. Mes prières ont été exaucées, j’attends de voir si j’avais raison ou pas. Jusqu’à présent, tout semble me donner raison.

Quant à la Guinée, nous avons une histoire assez particulière avec elle. Je vous ai dit qu’à un moment donné, puisqu’il y avait des amis de Lumumba, notamment le président Sékou Touré, j’y allais souvent. Je profite pour solliciter que la Fondation Patrice E. Lumumba que je dirige soit partie prenante dans la recherche de la solution en Guinée. La solution, qu’on le veuille ou non, réside dans la négociation. Il y a d’un côté ceux qui tiennent les armes et de l’autre, la population. L’un ne peut rien faire sans l’autre. Il faut que les deux parties s’entendent. Le peuple de la Guinée ne mérite pas ces tiraillements inutiles. Il faut qu’on commence par résoudre le problème par nous-mêmes. Il ne faut pas attendre les Carter et autres pour qu’ils viennent nous dire ce qu’il faut faire, comment les différentes ethnies doivent cohabiter. Tout dirigeant cherche le bonheur de ses populations. Personne ne trouvera notre bonheur malgré nous. Il faut donc que nous soyons impliqués.

Source
: Le messager du 6/01/2010

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