9 Mai 2012
Jean-Pierre Jouyet, président de l'Autorité des marchés financiers, a rencontré le jeune Hollande sur les bancs de l'ENA. Depuis, ils ne se sont plus quittés, ou presque... Le regard d'un très proche.
François Hollande est mon ami depuis trente-cinq ans. Ce qui me vient immédiatement à l'esprit pour parler de lui? Il aime profondément les gens, il est réellement curieux des autres et s'intéresse toujours à ce qu'ils font - même en vacances, il est capable de passer dix minutes à discuter avec des passants qui l'ont interpellé, pendant que nous attendons patiemment qu'il revienne... François est quelqu'un de simple, d'attentionné, d'humeur égale, avec un sens de la repartie et un humour qui font le bonheur de ses proches. Il a peu de vrais amis, parce que c'est quelqu'un de profondément solitaire, mais ce sont les mêmes depuis longtemps: François suscite des amitiés fidèles, des attachements forts. Pour autant, je dirai qu'il a appris à ne dépendre de personne, ce qui lui permet de ne jamais se trouver coincé par tel ou tel - dans sa vie privée comme en politique, il sait se ménager des marges de manoeuvre qui lui permettent de trouver une issue, même dans les situations les plus délicates."
Le politique intransigeant
"Avec François, les rapports ne sont jamais tendus, et c'est peut-être un problème: sa très grande pudeur et son caractère constant font que ses interlocuteurs ne mesurent pas l'impact de leurs paroles ou de leurs actes. Je l'ai appris à mes dépens, en sous-estimant la peine que je lui ai faite le jour où j'ai accepté d'entrer dans le gouvernement de François Fillon, à la demande de Nicolas Sarkozy, en 2007. Certes, François m'avait déconseillé d'accepter, me répétant à plusieurs reprises que c'était une décision politique - quelles que soient mes compétences en matière européenne. Mais le sujet m'intéressait vraiment et, d'ailleurs, je ne renie rien de ce que j'ai accompli. Simplement, s'il avait été plus clair, s'il m'avait dit, comme cela s'est passé ensuite, que nous n'aurions plus de relations jusqu'à ce que je quitte mon secrétariat d'Etat, s'il m'avait dit qu'il ne répondrait plus à mes SMS et que nous ne nous parlerions plus, s'il m'avait dit à quel point il était triste et touché par ma décision, j'aurais sans doute fait un autre choix - je suis un grand affectif ! Je pensais n'être qu'un compagnon de pétanque, un convive agréable à dîner, un camarade qu'il voyait pour se délasser, j'avais tort : son attachement était beaucoup, beaucoup plus profond, même s'il ne le montrait pas. Compte tenu de la peine que je lui ai causée, je me sens encore plus qu'un autre redevable à son égard."
Le charisme et la tactique
"Lorsque nous étions à l'ENA, nous considérions tous, de Dominique de Villepin à Michel Sapin, en passant par Henri de Castries, qu'il était le meilleur d'entre nous, le plus doué, le plus charismatique. Il était le leader de notre promotion, sincèrement: si loin que remontent mes souvenirs, nous avons, nous, ses amis, toujours été dévoués à François ! J'ai été vraiment étonné lorsque j'ai appris qu'au PS certains le jugeaient mou, au point de l'appeler "Flamby", ou de le désigner avec d'autres surnoms désagréables: comment, dans son propre camp, des gens ont-ils pu le sous-estimer à ce point ? Ce qui est exact, c'est que, dans le combat politique comme dans le sport, François pratique l'esquive, pour ne jamais se trouver acculé: ce n'est pas de la fuite, c'est de la tactique. Nous jouons régulièrement en double au tennis, et son jeu me paraît très révélateur de son caractère: son style n'est pas des plus élégants, mais il pratique un service efficace, il ne lâche rien, il est économe de ses mouvements, tout en sachant taper fort au moment où il le faut -même face à des joueurs plus jeunes, nous gagnons souvent !"