26 Septembre 2010
L’organisation du second tour de l’élection présidentielle semble devenir un casse-tête pour les autorités de la transition. Au-delà de la spéculation politique et des commentaires tendancieux, c’est la divergence de voie au sommet de l’Etat qui déboussole plus d’un observateur.
Entre le cabinet du Président de la République , Le gouvernement, le Conseil National de Transition et la Commission Electorale Nationale Indépendante, les rivalités sont devenues apparentes et les relations hypocrites. Leurs différentes concertations autour de certains sujets brûlants de l’heure tournent souvent en une négociation de défense des intérêts et de positions.
Les idées défendues par chaque partie sont vite relayées dans les états-majors des partis politiques pour devenir des sujets à conjectures et interprétations diverses. Les événements de la semaine dernière ont davantage mis à nue le dysfonctionnement ou l’incompréhension des responsabilités au sommet de l’Etat.
Dans un Etat moderne, lorsqu’on annonce une allocution du président de la République , son report ou son ajournement est annoncé par un communiqué officiel de la Présidence de la République. Lorsque cette allocution ne peut pas être ajournée, elle est dument écrite et approuvée par le président de la république, qui peut la faire lire en son nom, soit par le premier ministre, soit par le président de l’Assemblée ou du sénat.
Le secrétaire de la présidence n’est pas l’adjoint du président comme il peut en être dans les autres départements ministériels. Il ne peut donc, en aucun cas, tenir un discours au nom du président de la république ou s’exprimer en son nom. Il est et demeure son de main comme on le dit sous d’autres cieux « son porteur d’eau ». En Guinée, l’incompréhension de cette fonction fait de son titulaire un adjoint du président, vénéré par tous les ministres sur lesquels il n’a réellement et normalement aucun pouvoir.
Le mardi dernier, le peuple de Guinée attendait un discours du président de la République. Au regard de la montée de la tension politique, de la tergiversation de la
CENI sur le respect de la date du second tour de l’élection présidentielle et les violence de rues qui ont émaillé la campagne présidentielle, le Chef de l’Etat était obligé de sortir de son
silence pour rappeler l’autorité de l’Etat et redonner l’espoir aux citoyens.
Ce discours tant attendu fut ajourné. A la place du président, c’est le ministre secrétaire général à la présidence qui se présente au peuple de Guinée. Il ne se
limite pas d’annoncer le report du discours présidentiel, mais parle au nom du président. Il peint sa vision et appréhension de la situation, sa volonté politique dans la conduite de la
transition mais aussi et surtout sa décision ferme de faire tenir le second tour de l’élection présidentielle le 19 septembre. Cette attitude est elle due à l’immaturité politique et
administrative ou à une faible compréhension de sa fonction ? Cherchez à savoir.
Selon la loi, il ne revient pas au Président de la République de décider de la date exacte de la tenue d’une élection. Il confirme par acte officiel la date qui lui est proposée par l’instance chargée de l’organisation des élections. En Guinée, l’institution chargée de l’organisation matérielle des élections nationales est la CENI. Elle a proposé une date pour la tenue du second tour de l’élection présidentielle en tenant compte des tâches préalables qu’elle avait à accomplir auparavant. Cette date a été rendue publique, mais pas officielle. Jusqu’au jeudi dernier, la CENI n’avait pas demandé au gouvernement d’introduire un projet de décret auprès du président de la République , appelant les citoyens aux urnes pour élire leur futur président. C’est seulement après la signature et la publication du décret, que la date devient officielle.
Le candidat de l’UFDG ne disait-il pas qu’à défaut de respecter la loi, il faut faire respecter l’esprit de la loi. Depuis la publication des résultats officiels du premier tour de l’élection présidentielle, chaque pan de la société, dépositaire d’une quelconque portion du pouvoir administrative ou politique, pense pouvoir imposer son point de vue sur l’organisation du second tour. La CENI , au cœur de cette tourmente, a reconnu des dysfonctionnements dénoncés sans les justifier suffisamment. Engagée à les corriger pour garantir un second tour incontestable, la CENI , par son attitude, compromettait ainsi sérieusement le délai constitutionnel pour la tenue du second tour. Le paradoxe est que l’Etat ne lui a rien imposé. Il ne lui fait aucun grief et ne lui impose aucune contrainte pour la bonne organisation. La CENI se réjouit de son indépendance mais l’assume mal. Elle refuse toute ou limite à son bon vouloir l’aide à recevoir. Pendant ce temps, elle distrait l’opinion publique dans les discours et communiqués sur ses activités et sa capacité à tenir promesse.
Au sommet de l’Etat, c’est la récréation. Le Premier Ministre qui s’accroche à la lecture de l’alinéa 2 de l’article 2 du code électoral. On le soupçonne de violation des dispositions de la constitution. Il est pris pour cible des critiques non seulement par certains ministres de son gouvernement mais aussi et surtout par certains éléments du CNT. A la présidence, l’offensive se prépare. Certains proches du président jurent que le projet de décret du premier ministre instituant légalement les aides à apporter à la CENI par le Ministère de l’Administration du Territoire et des Affaires politiques ne sera jamais signé. Le CNT et la CENI dénoncent l’immixtion de l’Etat dans l’organisation du second tour. Certains ministres se désolidarisent du Premier Ministre et colportent en dehors des murs de la salle du conseil des ministres les sujets débattus et les avis des différents ministres.
Finalement, le manœuvre dilatoire tant critiqué et attribué à la Primature viendrait de la CENI qui, au-delà de toute la rhétorique et les assurances données, finira
par avouer publiquement son incapacité à tenir promesse. Cette grande déception doit amener les éléments des différentes institutions de la transition à se ressaisir et à revoir leur position les
uns par rapport aux autres. Les pulsions et passions des uns et des autres doivent céder la place à la raison et au réalisme.
L’image de l’Etat en dépend fortement !
Woulada DEN