La Guinée nouvelle
22 Mars 2011
De passage à Genève, Rabiatou Serah Diallo se donne toujours aussi généreusement au jeu des débats publics, conférences, rencontres dans des cadres tant formels qu’informels. La femme qui a fait chuter la dictature de la Guinée, à qui le tyran sanginaire Lansana Conté affirmait avoir tué des gens bien plus importants qu'elle, précise que la transition n'est pas terminée. Présidant le Conseil national de transition (CNT) de sa patrie, elle rappelle que l'aboutissement aux premières élections démocratiques en 2010, n'est qu'une première étape. Premier pays de l'indépendance, la Guinée demeure aussi le premier pays à avoir réussi sa transition avec de véritables élections démocratiques.
Selon elle, la transition n’est pas encore finie dans son pays : certes, chacun peut s’y retrouver et on peut se réjouir de ne plus vivre dans un état d’exception mais dans un état de droit. L’ordre constitutionnel est enfin établi et les élections présidentielles ont pu avoir lieu, ce qui n’était pas joué d’avance au vu des reports successifs et des événements tragiques ayant meurtri la Guinée. « D’autres pays du continent, comme la Côte d’Ivoire par exemple, ne connaissent pas le même destin », déplore-t-elle. Car « tandis que dans les tyrannies l'amitié et la justice ne jouent qu'un faible rôle, dans lesdémocraties au contraire leur importance est extrême: car il y a beaucoup de chosescommunes là où les citoyens sont égaux», clamait déjà Aristote cinq siècles avant notre ère.
Après les présidentielles, la voix du peuple doit s’exprimer pour les législatives courant cette année. Conformément aux accords de Ouagadougou, le CNT doit poursuivre son travail jusqu’à la constitution de l’assemblée nationale. « On propose et Dieu dispose », aime à dire la Jeanne d'Arc de la Guinée en pareille situation. En accord avec le gouvernement actuel, le CNT poursuit sa mission également dans la volonté de créer une structure officielle de vérité et de conciliation afin que les crimes perpétrés durant toutes les crises qu’a traversées la Guinée jusqu’à la naissance d’une société démocratique institutionnalisée ne restent pas impunis. Elle qui a perdu tant d’amis ayant milité à ses côtés, tels que Fofana, grande figure des droits des travailleurs, et qui a rencontré tant de femmes violées, déploie tous ses efforts pour faire reconnaître le viol comme arme de guerre ! Philosophe stoïque, elle garde foi en ses valeurs car « si le mensonge prend l’ascenseur et la vérité l’escalier, il arrive souvent au final qu’il le prenne en sens inverse. »
Alors que le pays offre tant de richesses naturelles, les besoins vitaux (eau, électricité, soins de santé de base) ne sont pas satisfaits et la monnaie guinéenne ne vaut pas grand’chose à ses yeux. La démocratisation des institutions – conditio sine qua non du développement socio-économique d’un pays – amenée par la transition en constitue la première pierre de touche. Car « tandis que dans les tyrannies l'amitié et la justice nejouent qu'un faible rôle, dans les démocraties au contraire leur importance est extrême:car il y a beaucoup de choses communes là où les citoyens sont égaux», clamait déjà Aristote cinq siècles avant notre ère.