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La Guinée nouvelle

A Dakar, le procès d'Habré, "Pinochet africain", se fait toujours attendre

 

 A 68 ans, l'ancien dictateur tchadien Hissène Habré coule une retraite presque paisible dans la banlieue chic de Dakar et son procès se fait toujours attendre, dix ans après sa mise en accusation pour crimes contre l'Humanité.

L'avocat américain Reed Brody, porte-parole de lorganisation Human Rights Watch (HRW), a pris l'habitude de surnommer Habré le "Pinochet africain".

 

 

 

Car le Chilien Augusto Pinochet était mort en 2006, à l'âge de 91 ans, sans jamais avoir été jugé pour les crimes commis sous sa dictature.

"Si ça continue comme ça, il n'y aura bientôt plus de survivants" des crimes commis au Tchad entre 1982 et 1990 "et peut-être qu'Hissène Habré mourra, lui aussi, avant son procès", a déploré M. Brody dans un entretien accordé cette semaine à l'AFP, à Dakar.

 

 

Hissène Habré, renversé en 1990 par l'actuel président tchadien Idriss Deby Itno, s'était ensuite réfugié dans la capitale sénégalaise. M. Brody l'accuse d'avoir, avant son départ, "vidé les coffres" au Tchad et de s'être construit, au Sénégal, "un réseau de protection".

 

 

Il y a 10 ans, Habré avait été mis en accusation pour la première fois au Sénégal, avant que la justice sénégalaise ne se déclare finalement incompétente. Puis, en 2006, c'est l'Union africaine (UA) qui a mandaté le Sénégal pour le juger, "au nom de l'Afrique", pour crimes contre l'humanité, crimes de guerre et actes de torture.

 

 

 

 

© AFP
L'avocat américain Reed Brody (2ème à G) allant déposer plainte, avec des confrères africains et français, contre Hissène Habré le 25 janvier 2000 à Dakar
© AFP/archives Seyllou
Pour permettre la tenue de son procès, Dakar a ensuite modifié sa Constitution, en introduisant de manière exceptionnelle une rétroactivité pour de tels crimes.

 

 

Mais, depuis, le processus s'est enlisé, officiellement pour raisons financières.

"Notre seule exigence, c'est que le bugdet nécessaire pour l'organisation du procès soit entièrement réuni au préalable, sous l'égide de l'UA et de l'Union européenne", a répété cette semaine à l'AFP le juge sénégalais Demba Kandji, directeur des affaires criminelles et des grâces.

 

 

"Si nous cherchons cet argent, c'est pour faire en sorte que si le procès commence, il ne s'arrête jamais", a assuré le magistrat.

 

 

Le Sénégal avait initialement réclamé 18,5 milliards de francs CFA (27,5 millions d'euros). "Maintenant, les experts de l'UA et de l'UE travaillent avec nos experts pour établir le budget définitif", assure M. Kandji.

Le chef de la diplomatie sénégalaise, Madické Niang, - ancien avocat d'Habré et ex-ministre sénégalais de la Justice - assure également: "Une fois le budget ficelé, on va convoquer la conférence des bailleurs" et ensuite "le procès va commencer".

 

 

De son côté, M. Brody veut bien admettre qu'un tel procès est coûteux. Mais il ne voit pas la nécessité de réhabiliter une aile abandonnée de l'ancien palais de justice de Dakar pour l'abriter, comme cela est prévu, ni de faire venir des centaines de témoins...

 

 

"Les preuves sont là et cela ne prendra pas beaucoup de temps aux Sénégalais de les réunir", insiste M. Brody, qui avait découvert en 2002, à l'ancien siège de la police d'Habré, des documents sur les atrocités commises.

L'Afrique organiserait alors, pour la première fois, le procès d'un ancien chef d'Etat africain jugé pour de tels crimes.

"Nous voulons connaître la vérité... Nous nous sommes battus pendant dix ans" pour qu'Habré soit jugé, explique à l'AFP l'un des plaignants tchadiens, Clement Abaifouta, joint par téléphone depuis Dakar.

 

 

Emprisonné de 1985 à 1989 à N'Djamena, M. Abaifouta asure qu'il y était obligé d'enterrer "chaque jour" plusieurs de ses co-détenus.

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