30 Mars 2012
«Quitter le pouvoir avant que le pouvoir ne vous quitte»: ce précepte poétique semble plus facile à invoquer qu’à appliquer. Pourtant, les trajectoires du Malien Alpha Oumar Konaré, du Ghanéen John Jerry Rawlings ou du Sud-Africain Nelson Mandela n’indiquent-elles pas qu’il y a une vie après un pouvoir rendu? Tous les dirigeants africains ne l’entendent pas de cette oreille…
Obstinés, il y a ceux qui risquent la défaite électorale, réputée rare sur un continent où l’on n’entend guère «organiser une élection pour la perdre». Certains recalés le seront avec panache comme le Béninois Nicéphore Soglo, en 1996, ou le Sénégalais Abdou Diouf, en 2000.
Considérant peut-être l’exemple du Congolais Denis Sassou-Nguesso, l’ancien président bissau-guinéen, Kumba Yalá, toujours candidats aux scrutins, croit manifestement à la “résurrection” présidentielle…
Comme de vulgaires députés dépités, la plupart des déchus restent déçus, d’où la tentation, pour les dirigeants en place, de s’acharner à rester sur le trône ad vitam æternam.
A les voir manipuler les constitutions et les scrutins, il apparaît que finir ses jours au palais n’est pas le fantasme des seuls monarques. Pour certains dont l’ambition était effectivement de mourir au pouvoir, l’ultime opposant était devenu un cancer -de la prostate pour l’Ivoirien Félix Houphouët-Boigny ou intestinal pour le Gabonais Omar Bongo-, un infarctus du myocarde, pour les généraux nigérian Sani Abacha ou togolais Gnassingbé Eyadéma, ou une maladie mystère pour le Bissau-guinéen Malam Bacai Sanhá.
A force de n’accepter d’être terrassés que par une overdose de perfusions, les plus têtus finissent par inviter une mort violente. Il faut dire que la Grande faucheuse n’a jamais manqué de travaux pratiques sur le continent africain: Sylvanus Olympio, François Tombalbaye, Anouar el-Sadate, Thomas Sankara, Mohamed Boudiaf, Juvénal Habyarimana, Ibrahim Baré Maïnassara, Laurent-Désiré Kabila, João Bernardo Vieira, Mouammar Kadhafi…
Moins tragiques, mais toutes aussi répandues, sont les interruptions inopinées de présidence par coup d’Etat sans assassinat. Là aussi, les exemples ne manquent pas sur le continent, du Congolais Pascal Lissouba aux Centrafricains Jean Bedel Bokassa et Ange-Félix Patassé, en passant par l’Ougandais Idi Amin Dada ou le Zaïrois Mobutu Sese Seko.
Pour mettre un peu de plomb dans la cervelle des chefs d’Etat candidats au pouvoir à vie (avant que des putschistes ne leur mettent de la chevrotine dans le fessier), dressons le palmarès des dix sorties politiques les plus incongrues, des moins absurdes aux plus ridicules. Et tentons d’évoquer les perspectives de reconversion professionnelle pour anciens potentats.
10e – Abdoulaye Wade (battu le 25 mars 2012): contrairement à celui qu’il a terrassé dans les urnes –Abdou Diouf–, le Gorgui a été mis sur la touche par sa propre créature; tel l’empereur César poignardé par son fils adoptif. Le “Vieux” devait s’attendre à un tel “parricide”. Macky Sall, comme Idrissa Seck, était bien placé pour savoir que le président sortant était devenu spécialiste des “infanticides” libéraux. Reconnaissons tout de même que le chauve octogénaire avait été visionnaire sur un point.
Crâneur, il avait affirmé qu’il ne gagnerait pas au second tour, mais au premier. C’était à moitié vrai: il n’a pas gagné au second tour…
Reconversion possible: concepteur de sculptures monumentales comme Le Monument de la Renaissance africaine -52 mètres de bronze et de cuivre- dont il revendique les droits d'auteur. Il aura tout le temps de couler des bronzes.
9e – Thabo Mbeki (“démissionné” le 21 septembre 2008): c’est une peau de banane de sa propre formation politique qui le fit glisser. Pendant que Jacob Zuma riait sous cape, caché dans les instances de l’ANC, Mbeki cédait momentanément le trône à Kgalema Motlanthe. Parti-Etat ou Etat-parti? Mbeki, lui, l’est. Parti.
Reconversion manquée: V.R.P. en préservatifs pour celui qui doutait du lien de causalité entre le VIH et le sida.
8e – Hosni Moubarak (balayé le 11 février 2011): la révolution égyptienne l’a mis à terre au sens propre autant qu’au sens figuré. C’est couché que le Moubarak renversé assista à son procès.
Reconversion possible: essayeur de brancards V.I.P. pour la multinationale de matériel médical Laerdal.
7e – Marc Ravalomanana (remercié le 17 mars 2009): si vous racontez que vous avez été renversé par un disc jockey, on pensera à un accident de la circulation. Ravalomanana, lui, est le seul président de la République dont le mandat a été “scratché” par un roi des platines. Dans son cas, la Tecktonik évoque moins une danse que des secousses populaires sismiques…
Reconversion possible: animateur de soirées, sous le nom de DJ Ravalo, après la retraite anticipée d’Andry Rajoelina.
6e – Kwame Nkrumah (remplacé le 24 février 1966): renversé alors qu’il avait le dos tourné, en Chine, le panafricaniste ghanéen n’aura même pas pu emporter ses chaussettes et ses manuels de consciencisme. Son voyage dans l’Est du globe le conduira finalement dans l’Ouest de l’Afrique, dans la Guinée de Sékou Touré, avant une résidence en République socialiste de Roumanie où il décédera en 1972.
Reconversion manquée: après avoir tenté une carrière d’éditeur guinéen, il aurait pu profiter de son passage en Chine pour devenir vendeur ambulant, distributeur agréé de chinoiseriesdiverses.
5e – Amadou Toumani Touré (renversé le 21 mars 2012): chassé alors qu’il était en train de boucler ses valises! Comme L’arroseur arrosé de Louis Lumière, le putschiste de 1991 a été lui-même putsché. Dans les vieux couples en rupture, on aime préciser: «tu ne me chasses pas, c’est moi qui pars». Dans le couple ATT-armée malienne, le président déchu s’entend dire «c’est pas toi qui pars, c’est nous qui te chassons»…
Reconversion possible: retraité joueur d’awalé en colocation avec Moussa Traoré.
4e – Zine El Abidine Ben Ali (chassé le 14 janvier 2011): pour avoir essuyé les plâtres du printemps arabe, il est devenu la cible préférée des blagues virales sur Internet. Et il n’inspire pas que les humoristes. Les mésaventures de son clan fournissent des idées aux escrocs, comme cet Algérien qui se faisait passer pour Leïla Trabelsi dans le but de refourguer des pierres précieuses sur Internet. Ben Ali n’a pas eu la chance de Gbagbo: il n’a pas été privé de sa femme en même temps que du pouvoir…
Reconversion possible: artistes de stand up en Arabie Saoudite. Autant faire fructifier les histoires drôles…
3e – Mamadou Tandja (renversé le 18 février 2010): il s’est fait bêtement “choper”, dans les prolongations de son pouvoir, par le Conseil suprême pour la restauration de la démocratie. Le lieutenant-colonel au bonnet rouge avait fini de manger le gâteau prescrit par la constitution, mais fut pris en train de se lécher les doigts. La gourmandise politique est un vilain défaut…
Reconversion possible: conseiller militaire auprès de la junte malienne, lui qui dirigea une répression féroce de la révolte touarègue sous la présidence du général Ali Saibou.
2e – Moussa Dadis Camara (dégagé le 3 décembre 2009): échappant de peu à un martyre comparable à celui de son idole Thomas Sankara, l’auteur du Dadis show a eu chaud au cuir chevelu. Son aide de camp et chef de la garde présidentielle, Aboubacar «Toumba» Diakité, a manqué de peu de le scalper au camp militaire Koundara. La longue cicatrice sur le côté du crâne guinéen semble avoir ouvert à un Dadis assagi les portes d’une vie pieuse.
Reconversion possible: coiffeur à Ouagadougou, spécialiste des raies sur le côté.
1er – Laurent Gbagbo (arrêté le 11 avril 2011): après la magistrature suprême, le “boulanger” de Mama a connu la honte suprême, exposé en maillot de corps sur toutes les chaînes d’informationcontinue de la planète, avant se faire habiller, comme un enfant, par un de ses ennemis jurés, Issiaka “Wattao” Ouattara et d’être exfiltré, comme un colis Chronopost, vers la Cour pénale internationale.
Reconversion possible: aucune. Même boulanger, c’est grillé…
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