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La Guinée nouvelle

Quand les autorités guinéennes se chatouillent pour rire

http://majoke.com/blog/wp-content/uploads/2007/11/chat-chien.jpgA Mathieu Kérékou qui avait perdu le scrutin présidentiel face à Nicéphore Soglo au Bénin, le président du Gabon, Omar Bongo Ondimba, avait ainsi exprimé son indignation et son incompréhension : « J’ai dit à Kérékou que c’est bête d’organiser des élections et les perdre ».

Cette boutade, le capitaine Moussa Dadis Camara, chef de la junte guinéenne l’a, sans doute, méditée et fortement intériorisée. Et pour preuve, la commission nationale d’enquête, qu’il a mise sur pied pour faire la lumière sur la violente répression contre les manifestants de l’opposition le 28 septembre 2009 à Conakry, vient de l’absoudre de tous les péchés commis ce jour-là au stade.

Hier à Conakry, le président de cette commission, le procureur Siriman Kouyaté, a affirmé que « le chef de la junte, le capitaine Moussa Dadis Camara, n’avait aucune responsabilité dans ces massacres et qu’il n’est jamais venu au stade ce jour-là ». Totale absolution aussi pour le commandant Moussa Tiégboro, ministre chargé des Services spéciaux.

Pas de suspens donc à Conakry, car Dadis n’allait tout de même pas mettre en place une commission pour se faire malmener par celle-ci. Autrement dit et pour paraphraser Bongo, « c’est bête d’instituer une commission d’enquête et de se laisser condamner par ses conclusions ».

Attendez, on est où là ? Evidemment en Afrique où les commissions sont habituellement mises en place pour mieux enterrer, triturer et tripatouiller les dossiers dans le seul but de ne pas rendre justice ou alors de disculper les vrais responsables en faisant porter le chapeau à de simples exécutants.

Et de fait, la commission a eu la main très lourde contre le lieutenant Aboubacar Chérif Diakité dit Toumba, l’ex-aide de camp de Dadis. Celui qui avait attenté à la vie de son chef le 3 décembre dernier a été chargé de tous les péchés du stade de Conakry. La commission a alors requis à son encontre des poursuites judicaires.

Cette conclusion complique davantage la situation de l’auteur du "régicide" manqué contre Dadis. Depuis son acte, l’homme se terre et n’a osé sortir du bois que pour accorder un entretien à Radio France Internationale (RFI). On voit ici la confirmation de l’adage qui dit que les absents ont toujours tort. De sa toundra où il se cache, Toumba ne peut que protester médiatiquement car, s’il sort de sa tanière pour se défendre, il sera mis aux arrêts pour l’attentat contre Dadis mais également pour les événements du 28-Septembre.

La commission, qui a abouti à une part de responsabilité des dirigeants de la société civile et des politiques dans cette tragédie, a prôné leur amnistie au nom de la réconciliation nationale. De plus, elle a aussi revu à la baisse le nombre des morts à seulement une soixantaine ; là où des enquêtes internationales ont conclu à plus de 150 trucidés.

Mais ce n’est pas que sur ce point qu’il y a hiatus entre, d’une part, les conclusions de la Commission nationale d’enquête et, d’autre part, celles des enquêtes menées par les organisations des droits humains et de l’ONU. Le rapport des enquêtes indépendantes accable plutôt le chef de la junte et lui reconnaît « une responsabilité pénale individuelle » dans les tueries du 28-Septembre.

Une chose est cependant certaine : s’il y a une commission dont les conclusions intéressent la communauté internationale, c’est bien celles menées par les structures indépendantes. En clair, c’est un coup d’épée dans l’eau, une fuite en avant que Conakry vient de réaliser avec ce rapport national d’enquête. Tout se passe comme si les autorités guinéennes se chatouillent pour rire.

Mais elles se rendront vite compte que le temps n’est pas au rire lorsque Luis Moreno-Ocampo, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), va entrer dans la danse pour faire la lumière sur les massacres du 28 septembre 2009.
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