La Guinée nouvelle
16 Septembre 2010
Le report du deuxième tour de la présidentielle dont le grand favori est le Peul Cellou Dalein Diallo montre que les grandes questions de fond n'ont pas été réglées. Jamais cette ethnie n'a accédé à la présidence. Et ce n'est sans doute pas prêt d'arriver, estime le quotidien Kotch de Dakar.
Longtemps considéré comme "l'homme malade" de l'Afrique de l'Ouest en dépit de ses formidables potentialités, la Guinée semblait avoir retrouvé le chemin de la guérison après le retrait forcé du pouvoir de Moussa Dadis Camara [après une tentative d'assassinat en décembre 2009]. Avec une transition plutôt réussie et l'organisation de la première élection présidentielle vraiment démocratique de son histoire agitée, ce "scandale géologique" devenu l'un des pays les plus pauvres de la planète et, pour son plus grand malheur, dirigé successivement par un tyran nationaliste, Sékou Touré [de 1958 à 1984], un autocrate grabataire, Lansana Conté [jusqu'en 2008] et un capitaine fantasque, Dadis Camara [à la tête d'une junte de 2008 à décembre 2009], semblait avoir conjuré sa malédiction.
Mais depuis quelques semaines, les nouvelles en provenance de Conakry ne sont pas du tout rassurantes. La Guinée semble renouer avec ses vieux démons du fait des affrontements entre les partisans de Cellou Dalein Diallo et ceux d'Alpha Condé. Cette montée des extrêmes fait craindre le pire dans la mesure où les tensions ethniques viennent se greffer au contentieux électoral. Très clairement, la perspective de voir Cellou Dalein Diallo accéder au pouvoir n'est pas du goût de tous. Certains acteurs politiques de premier plan agitent en sous-main le nauséabond épouvantail du "complot peul" dont avait tant souffert cette ethnie sous la dictature de Sékou Touré [au premier tour de la présidentielle organisé le 2 juillet 2010, le candidat peul avait réuni 43,69 % sur son nom. Son rival Alpha Condé a recueilli 18 % des suffrages].
En embuscade, prétextant de l'incapacité des civils à trouver un accord, les militaires qui n'ont quitté le pouvoir que contraints et forcés après l'effroyable tuerie du 29 septembre 2009 [des manifestants pacifiques qui réclamaient l'instauration de la démocratie ont été abattus par l'armée dans un stade de Conakry] et l'attentat contre Dadis Camara, pourraient être tentés de jouer aux sauveurs de la nation en péril et déborder ainsi le président de la transition, le général Sékouba Konaté qui fuit le pouvoir comme la peste.
Pis, une descente aux enfers du "château d'eau" de l'Afrique de l'Ouest, région qui se remet difficilement des guerres civiles qui ont dévasté le Liberia, la Sierra Leone et la Guinée Bissau, pays frontaliers de la Guinée, constituerait un cauchemar pour la communauté internationale. Et une menace vitale pour le Sénégal qui accueille sur son sol plus de deux millions de ressortissants Guinéens [bon nombre d'entre eux ont fui les "pogroms anti peuls" du régime de Sékou Touré].