29 Juin 2010
Jusqu’au dernier moment, ils étaient peu nombreux les Africains, et sans doute
les Guinéens eux-mêmes, à croire à l’élection présidentielle guinéenne, à croire que le général Sékouba Konaté tiendrait parole. C’était trop beau pour être vrai, le scénario d’une présidentielle
crédible organisée en moins d’un an, dans un pays qui n’en a pas connu une seule en un demi-siècle.
Comment une telle prouesse peut-elle se réaliser dans un contexte général africain fait de reculs démocratiques et de remise en cause des acquis de La Baule ? La Guinée, ce continuum de
dictatures civiles et militaires, peut-elle goûter aux délices de l’expression plurielle et démocratique ? Les "guinéo-pessimistes" étaient dans leur bon droit de croire le pays incapable
d’opérer une transformation aussi radicale. C’était cependant sans compter avec le sursaut d’orgueil propre aux peuples longtemps brimés. Et comme toutes les révolutions ont des inspirateurs et
des meneurs, celui de la nouvelle Guinée en marche, depuis ce 27 juin, est bien sûr le général Sékouba Konaté. Malgré tous les courants contraires qu’il a dû affronter, il n’a jamais baissé les
bras. C’est véritablement l’homme par qui le miracle a eu lieu.
Certes, le processus électoral n’est pas encore à son terme. Il faut dépouiller les bulletins, proclamer les résultats (avec les risques de contestations) et repartir pour un second tour s’il y a
lieu. Il faut aussi installer le nouveau pouvoir élu, l’accompagner et lui permettre de prendre son envol, comme un oisillon qui vient d’éclore. En évitant qu’il ne se fasse attaquer par les
rapaces, ou qu’il ne devienne lui-même prédateur. La route est encore donc longue à parcourir. Le président, élu à l’issue d’un scrutin d’une telle historicité, sait qu’il n’a pas droit à
l’erreur. Il ne peut trahir cet immense espoir porté en lui. En tout état de cause, les Guinéens peuvent être fiers d’avoir réussi le plus audacieux défi de ces dernières décennies en Afrique :
rattraper en quelques mois un retard accusé en cinquante-deux ans !
Et cérise sur le gâteau, plus de 50 000 Guinéens de la diaspora ont pu accomplir ce geste magnifique de voter en toute indépendance pour la première fois de leur vie. Quand on sait que des pays
africains dits stables peinent à faire voter leurs citoyens à l’étranger (cas du Burkina), il y a de quoi tirer son chapeau à la Guinée.
C’est cette leçon venue d’un pays qui a pu se sortir du tréfonds de l’immobilisme, qui fascine. Sous nos yeux, cette expérience est un démenti cinglant à tous les discours sur l’immaturité de
l’Afrique à embrasser la démocratie. Elle est l’illustration parfaite d’une réalité : les Africains ont les mêmes aspirations que tous les autres peuples du monde ; ils veulent être maîtres de
leur destin à travers le libre choix de leurs dirigeants.