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La Guinée nouvelle

Quelques témoignages sur l'horreur en Guinée

Les Guinéens savent ce que l’état d’urgence signifie"
Foungbè Berete travaille à l’Institut national de santé publique de Guinée, à Conakry.
 
Actuellement, je suis enfermé dans une cour à proximité de chez moi, dans le quartier de Madina. Hier, quand l’état d’urgence a été décrété, les militaires sont passés dans les rues et ont poussé tous les gens qu’ils croisaient à l’intérieur des bâtiments et des maisons. Moi, je m’étais isolé pour écouter la radio. Ils sont venus me chercher pour me demander ce que je faisais encore dehors. Seules les femmes sortent pour acheter de quoi nourrir les familles, mais quasiment tout est fermé.
 
Hier, c’était le chaos. Des jeunes ont même commencé à piller le grand marché de Madina, le plus important du pays. La Fossepel [Force spéciale de sécurisation du processus électoral, NDLR] est intervenue dans plusieurs quartiers. On a entendu des coups de feu.
 
Cellou Dalein Diallo a eu beau appelé au calme, il ne tient pas ses militants. C’est Bah Oury, le numéro 2 du parti et le chef de file de la contestation, qui est écouté.
 
Les Guinéens savent ce que l’état d’urgence signifie. On l’a déjà vécu en 2007, à la fin du mandat de Lansana Conté [L’ancien président avait décrété l’état d’urgence à la suite des protestations organisées contre la nomination d’Eugène Camara au poste de Premier ministre. Des centaines de manifestants avaient alors été tués par les forces de l’ordre, NDLR]. Il faut que les instances électorales tranchent au plus vite pour que la vie du pays reprenne. Nous devons pouvoir dire que la démocratie a triomphé et non pas que tel ou tel camp a gagné. "
"J’ai entendu les forces spéciales tirer en l’air toute la nuit alors que je suis dans un quartier calme"
Fatou (pseudonyme) est l'une de nos Observatrices à Conakry.
 
 
Je ne comprends pas ce qui a fait que tout a dégénéré. Je crois qu’il est toujours difficile d’accepter une défaite, surtout pour ceux qui ont mis de l’argent dans la campagne. Mais je pense aussi que chez les émeutiers, il y a un certain nombre de jeunes loubards qui profitent de la situation pour faire tout et n’importe quoi.  
 
Mes collègues qui habitent dans les quartiers les plus chauds de la ville ont salué l'instauration de l’état d’urgence car ils ont vu des émeutiers peuls agresser des personnes qui n’étaient pas de leur ethnie et ils ont pris peur. Mais ce qu’il faut préciser, c’est que ces quartiers étaient déjà sous haute surveillance. En fait, l’état d’urgence n’a fait que généraliser le déploiement des forces de sécurité à tous les quartiers de la ville, même les plus calmes comme celui où je vis. Mais je déplore cette décision. J’ai entendu les forces spéciales tirer en l’air toute la nuit. C’est dangereux : on n’est pas à l’abri d’une balle perdue susceptible de traverser une maison. Je ne comprends pas pourquoi les forces de l'ordre viennent ici. Tout ça est excessif.
 
Ce que je souhaite, c’est que la volonté de faire un gouvernement d’union nationale soit entendue par l’UFDG. Je sais que cette initiative a été accueillie avec beaucoup d’enthousiasme dans la population et il faut maintenant aller au bout. De toute façon, on ne peut pas prétendre gouverner autrement la Guinée. Les conflits ethniques peuvent être dépassés. Nous avons déjà tellement de retard en terme de développement... Pourquoi en prendre davantage encore ?"
"Les militants de l’UFDG ne sont pas les coupables des violences, mais les victimes"
Barri (pseudonyme) vit dans le quartier de Haute-Banlieue, à Conakry. Il est à la recherche d’un emploi.
 
Dans la zone où je suis, la nuit a été très agitée. Le calme est revenu ce matin, mais ma maison a été ravagée hier soir. Les agresseurs disaient : 'Vous, les Peuls, vous avez déjà l’argent et en plus vous voulez le pouvoir, on va tout casser'. Aujourd’hui, je suis chez un ami avec ma famille.
 
Les militants de l’UFDG ne sont pas les coupables des violences, mais les victimes. Cellou Dalein Diallo appelle au calme, mais ce n’est pas possible de se laisser faire. Pendant que beaucoup jouent aux dames ou au foot dans les quartiers, nous, on va travailler. Les Peuls tiennent la majorité des commerces et, maintenant, on nous casse nos boutiques.
 
Les forces de l’ordre en charge de maintenir la sécurité s’en prennent elles aussi à nous parce qu'elles savent que si Cellou Dalein Diallo arrive au pouvoir, il traduira en justice tous ceux qui ont commis des exactions dans la période qui court du décès de Lansana Conté à la présidence de transition [période pendant laquelle l’armée, sous la direction de Moussa Dadis Camara, a tiré sur la foule dans le stade de Conakry, faisant 157 morts, le 28 septembre 2009, NDLR].
 
Nous n’acceptons pas la victoire d'Alpha Condé parce que nous savons qu’il y a eu des fraudes. Et je ne crois pas qu’il soit sincère quand il parle de gouvernement d’union nationale : il a monté toutes les ethnies contre nous. On n’a même plus l’impression d’être guinéen."
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