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La Guinée nouvelle

Qui sont ces éminences grises des Palais africains ?

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De Dakar à Bangui, en passant par Tripoli et Nouakchott, ils arpentent les escaliers des palais avec fière chandelle, pour certains, et discrétion pour d’autres. Ces hommes sont, pour la plupart, mal ou peu connus du public. Les Afriques a tenté de pénétrer l’univers impitoyable de ces hommes de réseau. Zoom.

 

Proximité avec le chef oblige ! Jouissant de privilèges grandioses au parfum de petit prince « chouchouté » de la part de leur mentor de président, de roi ou de guide, ces hommes, que l’on surnomme aussi « éminences grises », partagent en commun le goût de l’intrigue et de la confidentialité extrême. Adulés par çi et craints par là, du fait de leur position et de leur statut, à la fois stratégique et prééminent, dans le dispositif présidentiel ou royal, l’opinion publique a fini par leur prêter le pouvoir et l’influence de faire et de défaire des carrières.

Ces hommes – d’un palais à un autre – ont tous des caractéristiques similaires. Pas très portés sur les mondanités ou sur les plateaux de télévisions, ces hommes, pour la plupart d’entre eux, passent pour des hommes de l’ombre auprès du chef. De vrais décideurs en bandoulière, qui savent urbi et orbi qu’ils ne sont pas des princes héritiers. Encore moins des dauphins potentiels qui cherchent à détrôner le siège de leur bienfaiteur, à qui ils ont fait allégeance.

Ces hommes dits d’influence côtoient le président en permanence, aux allures d’un rituel dont ils détiennent le secret. Et parfois même l’arrogance peut leur jouer des tours si ce statut leur monte à la tête. Bon nombre d’entre eux auraient fait les frais de la démesure du titre qu’ils portent sur les épaules.

 

Mauritanie : la loyauté et la tribu 

 

Le président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, est impénétrable, dit-on. Sa forte personnalité et sa face cachée d’homme aux intrigues, que l’on saisit à peine, font de lui l’un des rares chefs d’Etat au sud du Sahara a avoir le sens de l’écoute. Peut-être est-il un homme proche du peuple qui ressent ses souffrances ? Ou un bon soldat qui a la vertu de gouverner en équipe? De toute façon, deux hommes à la silhouette familière du palais ocre font bien office d’éminences grises. Pour le moins que l’on puisse. Chéya Ould Ely, dircab du président et le Marquis du Palais, Malainine Ould Tomy. « Des has been » pavoisent certains observateurs avisés. Hommes d’expérience, bons et loyaux serviteurs, Chéya Ould Ely et Malainine Ould Tomy côtoient le président Abdel Aziz à longueur de journée. D’ethnie Joumag, natif de la région Chargui, Chéya est un citoyen à la croisée des républiques. Il a longtemps cultivé le culte de l’abnégation et de l’amitié. Même ses détracteurs lui reconnaissent ce mérite. Au prix, parfois, de coups bas qui l’ont atteint. « Jamais il n’a abdiqué », reconnaissent bon nombre d’observateurs. Le second, Malainine Ould Tomy, le Jacobin du Palais Ocre de Nouakchott reste – malgré les turpitudes politiques – la pièce maîtresse du puzzle. Il ne joue jamais contre la montre. Il observe son destin et le prend pour du comptant. L’homme qui fut l’inamovible directeur de cabinet du président déchu, Maouya Sidi Ahmed Taya, est connu pour sa dévotion et sa loyauté au service du chef. Après avoir observé un break après la chute de Maouya Ould Taya, en se consacrant à ses affaires, il a signé son grand retour au palais présidentiel. Sous le magistère du cousin, Mohamed Ould Abdel Aziz. On dit que ce dernier l’écoute beaucoup et lui voue respect. Ses conseils sont pris en compte régulièrement par l’homme fort de Nouakchott, qui sait qu’il tient entre ses mains un carnet d’adresses fourni qui s’étend de Dakar à Tel-Aviv. Tomy, pour les intimes, a cette particularité des Sahéliens qui s’adaptent à tout. Lors de ses déplacements sur le sol africain, ce trait de caractère saute à l’oeil. Il est un Sénégalais dans l’âme, ironisent certains.

Sa longue proximité avec les chefs d’Etat du monde font de lui un homme incontournable du palais de Nouakchott, pilotant des dossiers délicats que lui confie le maître de céans. Il sait qui est qui et qui fait quoi. C’est cela sa force. Il la porte avec discrétion et raffinement. Et le président Ould Abdel Aziz le lui rend bien.    

 

Niger : à l’ombre d’un sorcier blanc : Roland Dumas

 

Excepté les régimes Bara Maïnassara, Dawda Malam Wanké et Tanja Mamadou, où le réseau d’écoles militaires constituait a priori un des piliers fondamentaux pour l’exercice du « job », le statut d’éminence grise est passé de l’autre bord du fleuve Niger. Avec un nouveau contenu que vient de lui imprimer le tout nouvel homme fort du pays, le chef d’escadron Salou Djibo. Ce dernier, à peine aux commandes, a fait le grand ménage au palais présidentiel.

Ex-conseillers et dauphins virtuels, qui faisaient autorité sous l’ancien régime Tanja, ont plié bagages. Le chef de la junte, Salou Djibo, s’est attaché les services du manitou Roland Dumas, l’Africain. Ce dernier, qui est présenté à Niamey comme l’éminence grise du président, est un habitué des couloirs présidentiels, à Abidjan sous l’ère du général-président Robert Gueï, et à Bangui, où on dit qu’il a coaché à une époque le chef de l’Etat, François Bozizé. Roland Dumas, grand connaisseur des questions sécuritaires et militaires, conseille et met un peu d’ordre dans les affaires du président Salou Djibo.

Certaines langues soutiennent qu’il ne tisse sa toile que dans les pays post-conflit ou en état de redressement économique. Reste à vérifier. Dans les couloirs du palais, à Niamey, Roland Dumas est perçu comme un chef de commando, blanc, sans uniforme. Le chef de la junte nigérienne, qui accorde une oreille attentive au colonel Abdoul Karim Goukoye, réputé serein et loyal vis-à-vis du chef, n’a pas trouvé mieux, dans son entourage immédiat, que ce sorcier blanc. Comme si l’homme fort de Niamey craignait les hommes en kaki étoilés.

Roland Dumas, qui tient les cartes en main, va bientôt installer ses quartiers à Niamey pour superviser tout ce dispositif mis en place par son mentor d’ami. L’éminence grise Dumas pourra-t-il faire bon ménage dans un pays où la haute hiérarchie militaire n’est pas prête à courber l’échine ? Wait and see.      

       

Mali : sacerdoce du shadow cabinet

 

De tous les trois derniers régimes, Diango Sissoko est celui qui a le plus marqué les esprits. Grand commis de l’Etat, l’homme est bien dans ses habits d’éminence grise du palais Koulouba. Discret et affable en public, Diango Sissoko passe pour celui qui a le plus donné à l’Etat qu’il a servi. A Bamako, les anecdotes foisonnent à son sujet. L’homme au gri-gri invisible qui saurait, dit-on, dompter son univers ? Vrai ou faux ? En clair, c’est un homme dont l’entregent à conduire des affaires délicates de la République est indiscutable.

Aussi bien du temps des  Konaré que d’ATT, l’homme a ses entrées et sorties au palais Koulouba. Administrateur civil, la soixantaine consommée, il occupe le fauteuil de secrétaire général à la Présidence malienne. Une pièce maîtresse du shadow cabinet à Koulouba, qui lui permet d’affuter ses armes. Ce poste, qui répond parfaitement à son profil, le prédispose à connaitre le Mali de haut en bas. Diango Sissoko est aussi un dur à cuire. Le chef de l’Etat, ATT, lui voue un grand respect et le consulte souvent sur certains dossiers sensibles de l’Etat. Son avis a son pesant d’or chez le maître de Koulouba. Il assume ce rôle avec modestie et intelligence. Pourtant, ATT ne peut se passer de lui. Pour ironiser, certains milieux le comparent « à du sel dans la soupe ». 

A Koulouba, la silhouette d’un homme de réseaux est de plus en plus visible. Son nom : Alhamdou Ndiaye, un homme d’affaires qui a fait fortune à l’étranger. Ces derniers mois, il est devenu un des visiteurs les plus attitrés du président malien. Proche du chef de l’Etat et confident, Alhamdou Ndiaye discute beaucoup d’affaires et de projets de développement avec son ami ATT. Ce dernier voit en lui un entrepreneur patriote qui ne pense qu’au développement du Mali.      

 

Centrafrique : le sérail, une plus-value

 

Les régimes se succèdent, mais ne se ressemblent pas toujours. L’arrivée de François Bozizé a bousculé l’ancien ordre établi par ses prédécesseurs. Autre époque, nouvelle réalité. Le poste d’éminence grise se mérite. Au prix de la loyauté et du travail. « N’est pas éminence grise, qui veut », semble être la nouvelle formule de l’homme fort de Bangui.

Ils sont nombreux se qui ceux sont prévalus du titre d’éminence grise au palais. « Du toc ! » plaisante Bozizé, quand on lui fait la remarque des agissements de ses conseillers. L’homme est d’une poigne sans commune mesure et sa communication plus ou moins cadrée se veut moins euphorique. Aujourd’hui, depuis quelques mois, une étoile côtoie son destin présidentiel au Palais de Bangui. Son nom : Elie Doté, ex-chef du gouvernement et nouvellement en charge des investissements et grands chantiers de l’Etat. Sa longue proximité avec le président Bozizé a beaucoup compté sur la balance pour se voir confier ce levier stratégique, logé à la présidence de Bangui. Homme du sérail, Elie Doté veut rester un bon serviteur du chef. Aucune ambition présidentielle pour l’instant. Tout ce qui l’intéresse, c’est la consolidation du pouvoir de François Bozizé, sur lequel certains membres de l’entourage immédiat soufflent souvent le chaud et le froid. Le chef de l’Etat Bozizé tire profit de ses notes économiques en les traduisant en vision stratégique.

 

Elie Doté devra certes, désormais, composer avec le reste du puissant clan familial présidentiel incarné par Sylvain Tounguimaï, ministre des Mines, et avec Françis, fils du président Bozizé, qui garde la main sur certaines affaires du chef.

François Bozizé jouit d’une solide proximité avec le Sénégalais El Hadji Bacar Diagne. On le présente comme l’éminence grise du président, avec qui il partage le sens de l’amitié, de la foi et du travail. Natif de Thiès (ville située à 70 km de Dakar, au Sénégal) l’homme d’affaires et dignitaire Bacar Diagne est un des habitués du palais de Bangui, dès les premières heures de l’investiture du général. El Hadji Bacar Diagne a mis son entregent, ces dernières années, au service de la diplomatie étrangère via des missions de bons offices dans la sous-région africaine. Son rôle dans la médiation de la crise centrafricaine l’a bonifié auprès du chef de l’Etat. Ce dernier l’associe aux grandes décisions de l’Etat et sait bien que sa loyauté politique ne fera jamais défaut. El Hadji Bacar Diagne, qui a permis au président Bozizé de mieux se rapprocher du monde politique au sud du Sahara, a multiplié ses déplacements en terre ouest-africaine, notamment au Sénégal où il est devenu l’allié du président Abdoulaye Wade.

 

Prochainement:  le Sénégal, la Libye, la Guinée Bissau, le Tchad, la Gambie et la RDC.

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