12 Juin 2010
Dans quelques semaines, à la faveur de l'élection présidentielle du 27 juin prochain, le général Sékouba Konaté pourrait devenir l’homme par qui la démocratie est arrivée. Une mission qu’il n’a pourtant jamais cherchée.
«Sékouba a toujours fui le pouvoir. Celui-ci l’a finalement rattrapé. » Ami d’enfance du président par intérim de la Guinée, Baïdy Aribot, ancien ministre de la Jeunesse et des Sports devenu directeur de la Caisse nationale de sécurité sociale, renchérit : « Introverti, réservé, porté à vivre caché, Parousky [surnom donné à Sékouba Konaté depuis ses années de jeunesse en raison de ses prouesses au football, NDLR] n’aime pas les micros ni les projecteurs et s’accommode mal des contraintes liées à ses nouvelles fonctions. S’il aimait le pouvoir, il ne l’aurait pas laissé à Dadis après le coup d’État du 23 décembre 2008. »
Le général devenu président de la République par intérim à la faveur des accords de Ouagadougou du 15 janvier dernier confirme : « Je suis un soldat de terrain plus habitué à la rudesse des lignes de front qu’au confort douillet des bureaux. J’ai été amené, malgré moi, à diriger mon pays pour ne pas le laisser sombrer dans le chaos au lendemain de l’attentat contre Dadis. » Sékouba Konaté n’avait de toute façon plus le choix. En effet, quand l’ex-chef de la junte Moussa Dadis Camara a été évacué au Maroc après avoir été blessé par balles par son aide de camp, son remplaçant potentiel, le général Mamadouba « Toto » Camara, numéro deux de la junte et ministre de la Sécurité, était lui aussi hospitalisé dans le royaume chérifien pour une lourde intervention chirurgicale.
Situation bien en main
Konaté a malgré tout tenté de trouver une dernière parade pour éviter la charge qui allait lui incomber. Il a ainsi proposé que la transition soit dirigée par un Premier ministre aux pouvoirs renforcés, à la tête d’un gouvernement d’union nationale. Avis négatif du médiateur, Blaise Compaoré, président du Burkina Faso, qui estimait trop risqué de laisser un civil seul face à une armée qui risquait de déstabiliser la transition et de créer une situation ingérable dans le pays.
Depuis, l’ex-commandant du Bataillon autonome des troupes aéroportées (Bata, le corps d’élite le mieux équipé de l’armée), promu général de brigade par Dadis, a peu à peu repris la situation en main. Après avoir désarmé et dispersé les hommes de Claude Pivi et de Moussa Tiégboro Camara, deux soutiens de Dadis, puis démantelé le camp de Kaliah (où l’ex-chef de la junte faisait former 7 000 recrues issues de son ethnie), il a fait sauter tout l’état-major pour placer des éléments sûrs à tous les postes stratégiques.
Ayant le pays sous contrôle, il a commencé à arrêter les pro-Dadis radicaux (comme le neveu de celui-ci, Marcel Guilavogui) et à discipliner les hommes, interdisant à tout militaire non muni d’un ordre de mission de se promener dans la rue armé ou en tenue.
Le bâton et la carotte
Maniant le bâton et la carotte, Sékouba Konaté a augmenté les salaires de 30 %, avant de s’appuyer sur le jeune homme d’affaires Mamadou Diouldé Diallo pour améliorer la fourniture en riz et en véhicules de l’armée et sur Kerfalla Person Camara, alias KPC, directeur d’une grande entreprise de BTP, pour reconstruire les camps et aménager les mess du pays.
Parallèlement, le président par intérim, visiblement pressé de retrouver sa liberté, a nommé rapidement un gouvernement d’union nationale et signé tous les actes devant conduire à la présidentielle du 27 juin prochain. Tous ses efforts pourraient toutefois être gâchés si cette élection, que nombre d’observateurs estiment mal préparée, ne se passait pas bien. Si en revanche le scrutin se déroule correctement, le fils de Doubany Konaté, un ex-commandant de l’armée guinéenne, restera dans l’histoire comme celui qui a apporté la démocratie à son pays, après cinquante-deux ans d’attente. Un héros national malgré lui.